Le Conseil avait été saisi fin janvier par le Premier ministre pour définir les frontières juridiques d'une loi sur ce sujet. Selon le Conseil, cette loi n'est pas nécessaire et serait même juridiquement contestable puisqu'il existe déjà suffisamment de lois et de règlements sur le sujet, et qu'elle serait en opposition avec la liberté individuelle : "Il existe [...] un ensemble hétérogène de prescriptions ou d’interdictions, qui fait apparaître que la France est d’ores et déjà, au sein des démocraties comparables, l’un des États les plus restrictifs à l’égard de ces pratiques". Le Conseil évoque également certains risques liés à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la Constitution de la Ve République.
Les Sages ont rejeté les principes de laïcité et de dignité comme possibles justificatifs d'une loi : la laïcité concernant uniquement les liens entre collectivités publiques et religions, et la "sauvegarde de la dignité de la personne" étant liée au "principe d'autonomie personnelle" . Le Conseil préconise plutôt une "interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public" : il "est d’avis que la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les exigences propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert, soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches". Cette interdiction ne limiterait donc pas la loi au seul "voile islamique", mais concernerait toute autre forme de dissimulation du visage.
Réactions de la majorité et de l'opposition
Nicolas Sarkozy et François Fillon ont cependant annoncé qu'ils passeraient outre cet avis pour légiférer sur le sujet et conforter les attentes de l'UMP. En effet, les élus de la majorité sont unis dans leur volonté d'éradiquer ce phénomène qui, quoique limité en France, est selon eux une atteinte à la République et à la culture française : "Le voile intégral est une négation de la femme, une espèce de cercueil ambulant, ça n'est pas dans la tradition française, occidentale, qui suppose les yeux dans les yeux, le face à face, le dialogue dans l'échange public à visage découvert" (Éric Besson, sur Europe 1).
Du côté de l'opposition, le débat est également présent, puisque certains élus, comme Manuel Valls, défendent la nécessité d'une loi interdisant totalement le voile intégral, alors que d'autres y sont opposés. "Mieux vaut faire un dispositif ciblé, simple, pratique, plutôt qu'un dispositif bavard qui entraînera une humiliation s'il y a une annulation" a ainsi déclaré François Hollande sur France Info, reprenant l'opinion de Martine Aubry qu'elle avait exposée en janvier : "Nous combattons avec force le port du voile intégral, mais nous pensons qu’il faut le faire en s’appuyant sur les principes et les moyens de la République plutôt qu’avec une loi de circonstance qui serait inutile et inapplicable. " . La première secrétaire du PS soutient aujourd'hui la décision du Conseil d'État et met en garde le gouvernement contre "une loi stigmatisante qui ne porte que sur les signes religieux et qui risque d'avoir l'effet contraire : entraîner par provocation, par réaction, encore plus de burqas dans notre pays"