La blogosphère américaine est encore secouée par le vote la semaine dernière de la réforme de la santé. Les blogs conservateurs se sont lancés dans une grande entreprise de soutien psychologique envers leurs lecteurs.

L’un des fers de lance de cette réaction est le site Red State où Erick Erickson a multiplié les postes ces derniers jours pour convaincre les conservateurs que la bataille n’est pas finie. Il est intéressant de noter que son appel au troupe mêle assez subtilement un appel à la violence et la condamnation de la violence : “There are a great many Americans who truly believe the Democrats shredded the constitution on Sunday night [Il y a beaucoup d’Américains qui croient vraiment que les Démocrates ont déchiré la Constitution en lambeaux dimanche dernier]. … I’ve said for weeks I was a bit fearful of what would happen as a result. I sincerely pray we are not on the cusp of some group of angry and now unhinged mob lashing out at congressmen for a vote in the Congress [j’ai un peu peur de ce que cela va déclencher. Je fais des prières sincères pour que l’on ne soit pas sur le point de voir des groupes incontrôlables et furieux s’en prendre à des membres du Congrès à cause de leur vote]. But something seems to be brewing and I frankly don’t think the Democrats should at all be surprised [mais quelque chose est en train de monter et franchement, les démocrates ne devraient pas faire semblant d’être surpris]. They were and they knew they were playing with fire to advance legislation many Americans see as the undoing of the American Experiment. Some of those Americans will now conclude that, like with the founders, if King George will not listen, King George must be fought [Ils ont joué avec le feu en toute connaissance de cause pour faire passer une loi que beaucoup d’Américains voient comme la fin de la grande aventure américaine. Certains de ces Américains vont maintenant arriver à la même conclusion que nos pères fondateurs : si le roi George n’écoute pas, alors il faut le combattre].”

La thématique de la Révolution américaine au sein de la blogosphère de droite, déjà soulignée dans le post de la semaine dernière, se confirme donc. Le site pajamasmedia va d’ailleurs dans le même sens, celui de la résistance. L’un de ses bloggueurs demande : “if it had to pass by a referendum among American voters, would spitting on Congressmen even be a crime?” [si on faisait un referendum là-dessus, est-ce que cracher sur un membre du Congrès serait un crime?], ce à quoi l’un de ses lecteurs répond : “If it had to pass by referendum…spitting on congressmen might be compulsory.” [si on faisait un référendum.. cracher sur un membre du Congrès serait obligatoire].

La moquerie comme meilleure défense ?

A gauche, les réactions des conservateurs après le passage de la réforme, plutôt que de déclencher l’inquiétude, suscitent surtout de la dérision. En effet, la stratégie des républicains est quasi-unanimement présentée comme futile, sur le fond comme sur la forme.

Sur la forme, Joe Sudbay, sur le site Crooks and Liars, s’étonne de voir le sénateur de la Louisiane David Vitter, impliqué dans un scandale de prostitution, prendre la tête de la résistance républicaine : “Yesterday, Senate GOPers started introducing amendments on just about everything. They let David Vitter take the lead. Still surprising that Republicans want to make a hooker patron the face of their party, but they do. [hier, les sénateurs républicains ont commencé à introduire des amendements sur à peu près tout. Ils ont laissé David Vitter mener les débats. Je suis assez surpris que les républicains veulent faire de ce fervent client de putes le visage de leur parti, mais tel est leur choix…]”. Et Matthew Yglesias, sur Think Progress, manie l’ironie pour remercier les républicains pour leur collaboration involontaire dans le succès de la réforme : “The point of politics is to do stuff, not to vent your feelings of self-righteous outrage about “socialism.” [Le but de la politique, c’est de faire des choses, pas de passer son temps à exprimer son indignation sur la montée du “socialisme”] By choosing the path of self-righteousness, the right-wing delivered a victory that progressives never would have been able to win on our own [en choisissant la voie de l’indignation, la droite a donné sur un plateau une victoire à la gauche, victoire que les progressistes n’auraient jamais pu remporter seuls].”
L’hypocrisie de nombreux opposants à la réforme est également soulignée à gauche. La semaine dernière, les médias américains ont particulièrement suivi une certaine Kitty Rehberg, une agricultrice qui s’est fait connaître par une interview donnée au Wall Street Journal. Les bloggueurs libéraux et leurs lecteurs ont alors décidé d’enquêter sur elle, avec des résultats assez savoureux, comme dans le cas de John Chait sur The New Republic : « Earlier today I had an item about the irony of an agriculture subsidy recipient complaining to the Wall Street Journal that health care reform could transfer money from people like her to people who "just want freebies."[j’ai déjà mentionné l’ironie qu’il y a de voir quelqu’un qui reçoit des aides agricoles se plaindre que la réforme de la santé va transférer de l’argent de gens comme elle vers des gens “qui veulent juste des cadeaux gratuits”.] A reader directed me to the Environmental Workings Group's database of farm subsidies, where I could discover just how much that farmer (Kitty Rehberg) collects from the federal government. Answer: a lot. Since 1995, the farm Rehberg owns has collected $357,627 from the Department of Agriculture [un lecteur m’informe que cette agricultrice reçoit beaucoup de la part du ministère de l’agriculture: 357.627 dollars depuis 1995]. But it would violate her principles for the government to subsidize medical care for the uninsured. If those freeloaders need government help to buy insurance, well, they should have thought of that before they went and got breast cancer [mais voir le gouvernement financer le système de santé pour les gens sans assurances serait une violation de ses principes. Si ces profiteurs ont besoin de l’aide de l’Etat pour s’acheter une assurance santé, et bien, ils auraient dû y penser avant d’avoir un cancer du sein]”.

Sur le fond, plusieurs bloggueurs libéraux sont très circonspects quant à l’efficacité et la pertinence de la rhétorique républicaine qui se met en place en vue des élections de mi-mandat de novembre. Pour Josh Marshall sur TMP: “Make the arguments on substance. Not about how the bill filing wasn't filled out with a No. 2 pencil or whatever other nonsense [basez vos arguments sur de la substance, pas sur le fait que la loi n’a pas été rédigée avec le bon stylo ou des idioties de ce genre]. They may not realize this: but the Republicans can't run on how bad Reform is going to be for the Dems politically. That's very meta, to put it mildly [Ils ne le réalisent peut-être pas, mais les républicains ne peuvent pas faire campagne sur l’idée que la réforme va avoir de mauvaises conséquences politiques sur les démocrates. C’est beaucoup trop méta [pour les électeurs]]. They need to run on repeal. So, enough. The terms of the 2010 election are set. Stop puffing and threatening, shut up and bring it on. [Les républicains doivent faire campagne sur l’abrogation. Donc, ça suffit. Les enjeux des élections des 2010 sont clairement identifiés. Les républicains doivent arrêter de gonfler leurs plumes et de menacer, qu’ils la ferment et que la bataille commence].”
On trouve un ton très comparable chez William Saletan sur Slate : “why not ask the opposite? How badly will opposition to health care reform hurt Republicans?[Pourquoi on ne se demande pas le contraire? Si l’opposition à la réforme ne fera pas de mal aux républicains ?] [Obama’s] his political advisers are hinting at a more aggressive strategy: portraying Republicans who oppose the legislation as opposing all of its benefits. [les conseillers d’Obama ont fait comprendre que le président allait adopter une stratégie plus agressive: décrire les républicains qui sont opposés à la loi comme opposés à toutes les aides qu’elle comprend]. In the Bush administration, this was standard practice…. If you complained about labor provisions of the bill to establish a federal department of homeland security, Republicans said you were against homeland security [Sous Bush, cela se faisait tout le temps: si les démocrates critiquaient une clause anti-syndicale dans la loi qui a créé le ministère de la sécurité intérieure, alors les républicains les accusaient d’être contre la sécurité intérieure]. … Obama has avoided this scorched-earth style of politics. But his advisers seem ready to try it. "Let them tell a child with a pre-existing condition, 'We don't think you should be covered' [Obama a évité ce style ultra-agressif jusqu’ici. Mais ses conseillers semblent prêts à l’essayer, du style “allez dire à un enfant malade ‘on pense que tu ne devrais pas être assuré’ »] "