Dans le cadre du partenariat de nonfiction.fr avec le site cartessurtable.eu, retrouvez une fois par semaine sur nonfiction.fr un article qui revient sur un sujet au coeur de l'actualité du débat d'idées. Cette semaine, voici une contribution sur la compétivité des entreprises françaises.

 

La faible compétitivité de nos entreprises est devenue un thème central du débat public. Elle se traduit par un solde commercial négatif : en 2007, les importations de biens et services dépassaient les exportations de 39 milliards d’euros. Entre 1995 et 2005, la France a perdu 17% de ses parts de marché mondiales. Le discours dominant explique que nos entreprises souffrent d’un déficit de compétitivité parce que leurs coûts salariaux sont trop élevés. Ainsi, la restauration de nos exportations impliquerait une réduction des cotisations sociales (et donc, à terme, un démantèlement progressif de la sécurité sociale) et une compression des salaires. Cela serait le seul moyen pour nos entreprises de résister à la concurrence des pays émergents, notamment la Chine : des salaires plus bas, des cotisations réduites, permettraient de pratiquer des prix plus bas et d’exporter plus.

Mais à ce petit jeu, la France ne sortira pas gagnante. Fonder notre compétitivité sur les prix et sur les coûts, cela implique de réduire toujours plus les salaires, ce qui n’est ni souhaitable ni possible. La compétitivité doit se fonder sur deux autres aspects : la qualité et une spécialisation adéquate. La France, et l’Europe en général, ne sortiront pas leur épingle du jeu de la mondialisation en écrasant leurs prix : elles ne feront jamais le poids face à des pays qui disposent d’une armée de réserve de centaines de millions de travailleurs. Elles doivent rendre leurs produits compétitifs et attractifs par leur qualité et par la pertinence de leur spécialisation, dans des secteurs en croissance et innovants. Il faut donc accepter d’urgence l’idée selon laquelle ce qui rend un produit compétitif, ce n’est pas seulement son prix, c’est aussi ce qu’est le produit, à qui on le vend et quelles relations commerciales l’on entretient avec l’acheteur. Pour prendre un exemple caricatural, les produits de la marque Apple se vendent dans le monde entier parce qu’ils sont innovants et répondent à une demande de masse, et non parce qu’ils sont bon marché.

Comme le montre le rapport du Conseil d’analyse économique commis par Lionel Fontagné et Guillaume Gaulier en 2008 sur les Performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne, les exportateurs allemands sont parvenus à maintenir leurs parts de marché, et les positions qu’ils ont acquises sont inexpugnables. Entre 1995 et 2005, l’Allemagne n’a perdu que 2% de ses parts de marché mondiales. Les partenariats commerciaux que les Allemands ont noués sont robustes grâce à la grande fiabilité de leurs produits et à la qualité des relations qu’ils ont créées avec les acheteurs ; sans que leurs prix soient nécessairement les plus bas, ils conservent un solde commercial largement excédentaire.

Mais admettre cela, c’est reconnaître que la responsabilité de la faible compétitivité des entreprises française ne repose pas seulement sur les salariés (qui coûteraient trop cher), mais également sur les dirigeants d’entreprises, qui prennent les décisions en matière de qualité des produits, de spécialisation et de gestion des relations commerciales. C’est également accepter de trouver des solutions plus compliquées (mais aussi plus efficaces) que l’écrasement des salaires et des charges sociales. Ces questions devraient être abordées et faire partie de la réflexion globale sur la compétitivité des entreprises françaises et européennes :

- Les autres composantes du coût des produits sont-elles optimisées, notamment l’approvisionnement en matières premières et en consommations intermédiaires ?
- Les entreprises françaises et européennes coopèrent-elles à l’étranger, et ont-elles les moyens de partager leur expérience en matière d’échanges internationaux ?
- Les entreprises françaises sont-elles assez innovantes ? La structure vieillissante des directions d’entreprises est-elle un frein à l’innovation ?
- Les entreprises françaises sont-elles positionnées sur les marchés en forte croissance et à forte valeur ajoutée ?
- Les entreprises françaises sont-elles à la pointe de la gestion des relations commerciales avec les clients ?
- La France dispose-t-elle de suffisamment de compétences en matière d’exportation et de conquête de nouveaux marchés ?

Ces questions n’ont pas de réponse simple. Cependant, se focaliser sur la réduction des coûts salariaux, comme le font les organisations patronales, n’est pas la voie à suivre : cette solution n’est ni économiquement soutenable ni humainement acceptable. Il est de la responsabilité des chambres de commerce et d’industrie, des écoles de commerce et des formations commerciales en général, mais aussi de l’Etat, de réfléchir et d’agir pour renforcer les compétences des entreprises en matière de commerce international. Une première étape pourrait consister à étudier les méthodes allemandes, chinoises et américaines. Cette démarche est urgente si l’on veut que la France et l’Europe puissent continuer à croître dans la mondialisation