Le Salon du livre de Paris qui se tiendra Porte de Versailles du 26 au 31 mars 2010, connaît à nouveau une polémique. En 2008, c'était l’invitation d’Israël pour fêter les 60 ans de sa création, qui avait déclenché une vive polémique et un boycott partiel du Salon. Les opposants n’avaient pas manqué de souligner qu’à travers cette invitation, on laissait dans l’ombre la commémoration des 60 ans de la Naqba (catastrophe), c’est-à-dire l’expulsion de près de 800 000 palestiniens suite à la création de l’Etat d’Israël.

Cette année, la polémique ne porte pas sur un pays invité, puisqu’en rupture avec la tradition il n’y en aura pas, mais sur l’évènement lui-même. Les hostilités ont été ouvertes dès l’automne par Hachette Livre, premier éditeur français, qui possède entre autres, Grasset, Fayard, et Stock. Son stand, d’une superficie de 900 m2 d’habitude, sera cette année de 100 m2. Jean-Marc Roberts, directeur de Stock, invité sur France Culture mercredi matin, n’a d’ailleurs pas caché son désintérêt pour cette manifestation : "Quand on parle du Salon du livre, j’aimerais qu’on parle du livre et des livres et moins du salon […] Le salon du livre est une plaisanterie, qui dure depuis trente ans en effet, qui fait plaisir à certaines personnes, des vedettes de la télévision qui viennent dédicacer leurs livres." Le groupe Bayard sera absent lui aussi, pour des raisons économiques. "Trop grand, trop cher, pas assez original, résume Alain Beuve-Méry dans Le Monde du 19 mars, le Salon du livre de Paris est en pleine crise d’identité."

Mais cette crise est-elle réellement circonscrite au Salon du livre ? Dans un article du quotidien Les Echos du 24 mars, Nathalie Silbert rappelle que c’est l’ensemble de la profession d’éditeur, représentée par le Syndicat national de l’édition (SNE), qui est en crise. Le groupe Hachette a quitté mardi le SNE – qui organise le Salon du livre avec Reed Expositions – en raison de la probable nomination à la tête du syndicat d’Alain Knouk, directeur d’Editis, numéro 2 de l’édition. Si le marché du livre se maintient tant bien que mal, grâce à des titres comme Twilight, ou Le Symbole perdu de Dan Brown, ou les derniers Marc Lévy, les libraires connaissent une crise importante, avec un chiffre d’affaires en recul de 7% en janvier.

Dans ce contexte, l’arrivée des tablettes de lecture numériques en France - avec l’Ipad d’Apple fin avril et la tablette de Google avant la fin de l’année - échauffe les esprits. Le marché du livre numérique reste encore marginal en France (moins de 0,1% du marché selon la SNE), mais le récent engouement qu’il connaît aux Etats-Unis (3% fin 2009) alarme les éditeurs qui se préparent, en ordre dispersé, à cette « révolution », et notamment, à l’arrivée sur le marché de l’édition des géants Google, Amazon et Apple. Dimanche, au Salon du livre, le Syndicat national de l’édition consacrera d’ailleurs ces Assises professionnelles au livre numérique, preuve s’il en est que le sujet sera au coeur de cette édition. Et Jérôme Colombain sur France Info, imagine déjà le Salon du livre de demain: "un salon high-tech avec des rayonnages de livres remplacés par des écrans." Vision de rêve pour certains, cauchemar pour les autres