Le résultat au second tour des élections régionales, avec plus de 55% de voix pour la gauche, semble indiquer un net rejet de la politique de Nicolas Sarkozy. Le président de la République n'envisage pas cependant, de remettre en cause les réformes en cours et a déclaré que les élections n’auront que des "conséquences régionales".
Après les élections, vient pourtant le moment du troisième tour social avec la journée d’action interprofessionnelle, organisée mardi 23 mars 2010, à l’appel des syndicats CGT, CFDT, FSU, Solidaires et UNSA et principalement centrée sur la question des retraites. Avec un deuxième rapport prévu le 15 avril par le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui devrait conduire à un projet de loi en septembre 2010, on peut présager que l’agenda politique et social va se fixer sur cette question dans les mois qui viennent. Dans ce contexte, quelles sont les idées chez les principaux syndicats sur la réforme des retraites ?
La Confédération générale du travail (CGT) défend l’idée que le départ à la retraite doit être possible dès 60 ans, avec un revenu de remplacement d’au moins 75% du salaire d’activité et au minimum, du niveau du SMIC. Cette revendication d’un revenu minimum équivalent au SMIC est une réponse au nombre croissant de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté - 600 000 en 2009 . Au-delà de ces propositions, c’est le maintien du système par répartition, seul à même d’assurer une solidarité entre les travailleurs, que défend la CGT.
La Confédération française démocratique du travail (CFDT) est très impliquée sur le dossier des retraites. Plus encore qu’en 2003 où elle avait soutenu la loi Fillon sur les retraites, elle pousse aujourd’hui à l’abandon du système par répartition actuel, encourage l’adoption d’un système par "points" ou par "comptes notionnels" et est favorable à l'allongement de la durée de cotisation. L’épargne salariale et individuelle est envisagée comme une solution pour mettre fin au déficit des retraites. Dans une note de la fondation Terra Nova, "Protection sociale : enjeux et perspectives", le secrétaire national de la CFDT, Gaby Bonnand, prône une réorganisation du système par répartition : "Les systèmes de répartition, ne sont pas résumables à leur organisation que nous connaissons aujourd’hui. N’y a-t-il pas d’autres formes plus lisibles, moins complexes qui peuvent être réfléchies ? Le COR (Conseil d’Orientation des retraites) y travaille et c’est une bonne chose." Il faudra néanmoins attendre le Congrès de Tours en juin 2010 pour connaître la position définitive de la CFDT sur les retraites.
Force ouvrière (FO), qui a appellé mardi à manifester séparément sur le seul mot d’ordre de "défense des retraites", se prononce contre un allongement de la durée de cotisation au-delà de quarante annuités. Pour Jean-Claude Mailly, le sujet des retraites est la "mère de toutes les revendications" et les syndicats devraient concentrer leurs forces sur ce sujet. Dans une interview à l’AFP, le secrétaire général de FO qualifie d’ "absurde" la solution consistant à allonger la durée de cotisation en raison d’une espérance de vie de plus en plus longue : "Si on suit cette logique, elle devient absurde, les femmes vivant plus longtemps il faudrait qu'elles travaillent plus longtemps", a-t-il affirmé. Rappelant, par ailleurs, que "l'espérance de vie en bonne santé [est] évaluée par l'Insee à 63 ans », il conclut que pour « pouvoir bénéficier d'une retraite en bonne santé, on a donc intérêt à ne pas partir trop tard et c'est pour cela qu'on veut conserver le droit au départ à 60 ans".
Enfin, Solidaires défend, comme la CGT, le système par répartition et propose des solutions alternatives au financement des retraites. Solidaires rappelle, par exemple, que l’exonération de cotisations sociales pour les stock-options coûte selon la Cour des comptes trois milliards d’euros à la sécurité sociale. A long terme, la solution envisagée est d’agir sur la répartition de richesses entre capital et travail, la part du travail dans la valeur ajoutée n’ayant cessée de se dégrader depuis vingt ans. Concrètement, il s’agirait de relever les cotisations patronales et taxer ou faire baisser les dividendes aux actionnaires.
Le débat sur les retraites n’est pas limité au cadre national et des pressions internationales existent pour remettre en cause le modèle social français. Déjà en 1994, un rapport de la Banque mondiale (“Averting the Old Age Crisis : Policies to Protect the Old and Promote Growth”) émettait des propositions pour la mise en place d’un système public d’assistance, finançant des allocations de minimum vieillesse, accompagné d’épargnes individuelles. Dimanche 21 mars, c’est le premier adjoint de Dominique Strauss-Kahn au Fonds monétaire international (FMI), John Lipsky, qui préconisait pour les pays développés, des mesures d’austérité comme la baisse des dépenses de santé et l’allongement de l’âge de la retraite : "Des réformes des programmes sociaux telles que des relèvements de l’âge de la retraite auraient des effets budgétaires favorables à long terme [et] devraient être entreprises par tous les pays qui auront besoin d’un ajustement budgétaire"
(Article actualisé le 2 avril 2010)
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