Les Belles Lettres publient La Nouvelle Encyclopédie politique et historique des femmes, refonte de la première version publiée en 1997 aux PUF.

Treize ans après la première publication, l’ouvrage est toujours une référence incontournable tant pour les spécialistes de l’histoire des femmes et du féminisme que pour les néophytes qui y trouvent des articles clairs et précis comblant un vide historiographique. L’ouvrage a pour ambition de rassembler les savoirs éparpillés sur l’histoire politique des femmes, dans une démarche interdisciplinaire, internationale et interséculaire. Quarante cinq articles de spécialistes, allant de la loi salique à la troisième vague féministe actuelle, font le point en trois parties chronologiques à la fois sur les textes théoriques traitant du rapport des femmes au pouvoir et sur la participation des femmes aux grands événements qui ont marqué l’histoire. La charpente de l’ouvrage reste identique, même si l’objet a changé : désormais publiée sur du papier "bible", l’encyclopédie est plus compacte et maniable. Une première partie "Au seuil de la modernité", analyse les fondements théoriques de l’exclusion des femmes de la sphère politique que ce soit dans la loi salique ou dans la pensée de Luther, Calvin, Bodin, Hobbes, ou Locke. Dans la seconde partie, "L’ère des Révolutions", on retrouve les articles désormais classiques sur le rôle des femmes dans les révolutions anglaises, la révolution américaine, française, grecque, allemande ou russe. De plus, l’encyclopédie comporte désormais une très utile bibliographie sur les femmes et les révolutions de 1848 en Europe, qui répertorie les sources primaires et secondaires. Ces productions demeurent toujours aussi pertinentes, dans la mesure où l’historiographie de chacune de ces périodes, malgré une prise de conscience récente, n’évoque encore que très rarement ou à la marge, le rôle des femmes. Enfin, la troisième partie "combats pour la démocratie", explore deux pistes contradictoires : les femmes dans les totalitarismes d’une part (sous le régime nazi, fasciste, de Vichy ou les démocraties populaires de l’Europe de l’Est notamment) et d’autre part, l’histoire du féminisme. Ce dernier est abordé à travers la question des mouvements pour l’obtention du suffrage des femmes aux Etats-Unis, au Canada, en France ou encore par un article de synthèse sur les féminismes des années 1970 qui présente non seulement les grands moments de ces mobilisations aux Etats-Unis et dans les différents pays d’Europe, mais aussi les problématiques transversales et les phénomènes de diffusion de l’un à l’autre. Ces articles étaient présents dans la première édition, ils sont parfois augmentés et s’avèrent toujours un complément aux monographies existantes sur les féminismes français en permettant de riches comparaisons internationales. Dans cette dernière partie, La Nouvelle Encyclopédie s’est également étoffée de sept articles qui abordent les femmes dans une histoire plus contemporaine : Jacqueline Heinen traite de "la Pologne dans tous ses états", Elisabeth Elgan évoque "le succès politique des femmes nordiques", Fernanda Gil Lozano propose de "penser le Sud : Uruguay, Chili, et Argentine : Femmes, dictatures et répression", pour n’en citer que quelques-uns. Ces articles par aire géographique sont complétés par l’article transversal de Florence Rochefort qui traite de la question de la troisième vague féministe (1990-2007) dans le monde sous l’angle très pertinent des progrès parallèles de la sécularisation et de l’intégrisme religieux.

Treize ans après la première publication, le projet éditorial de la Nouvelle Encyclopédie politique et historique des femmes n’a pas changé. Comme l’explique Christine Fauré qui a dirigé l’entreprise, le parti pris est de privilégier "le tapage des révolutions, autrement dit une histoire politique du conflit où l’intensité des situations vécues a été propice à l’expression du changement et parfois à des rébellions visibles ou spectaculaires"   . La couverture de l’ouvrage en est une indication, il s’agit d’une photographie de Gerda Taro montrant une milicienne républicaine à l’entraînement sur une plage près de Barcelone, arme au point. Ainsi, l’ouvrage dénonce tant l’absence récurrente des femmes de l’histoire politique que ce qui est présenté comme une tendance au tout culturel de l’histoire des femmes. Ainsi, L’Encyclopédie politique et historique des femmes se voulait une réponse à L’histoire des femmes en Occident en cinq volumes publiée en 1991 sous la direction Georges Duby et Michelle Perrot, qui selon Christine Fauré "adhère à cette représentation consensuelle d’une histoire à petits bruits"   . Le débat semble toujours aussi vain : les deux démarches étant largement complémentaires et toutes deux également utiles.

Treize ans après la première publication, on peut cependant regretter que la Nouvelle Encyclopédie politique et historique des femmes n’ait pas fait une place plus large à la nouvelle recherche. Certes une encyclopédie n’a pas vocation à l’exhaustivité et il serait absurde de faire l’inventaire des articles manquants, cependant, deux continents brillent par leur absence, l’Afrique et l’Asie, alors même que les travaux d’histoire politique des femmes existent : que l’on songe par exemple aux travaux de Stéphanie Tawa-Lama Rewal sur l’Inde et le Népal ou à ceux de Pascal Bartélémy sur l’Afrique occidentale française. De plus, si la parité est évoquée dans le Prospectus de Christine Fauré, aucun article spécifique n’y est consacré malgré l’existence de travaux de jeunes chercheuses comme Laure Bereni, Eléonore Lepinard ou Réjane Sénac-Slawinski. Peu de choses également sur les femmes politiques ou le féminisme d’Etat malgré la thèse comparative entre la France et le Québec d’Anne Revillard.  Reste sans doute à interpréter ce manque comme un point positif : tous les domaines de l’histoire politique des femmes ne rentrent pas dans une seule encyclopédie