Respectant au millimètre les règles de l'autofiction électorale, le livre signé Valérie Pécresse, égrène les propositions de campagne sans se différencier véritablement de l'actuelle majorité de la région Ile-de-France.

Curieux et banal à la fois, lisse et pourtant sincère, le livre signé par Valérie Pécresse à l’occasion de la campagne régionale n’est pas sans intérêt. Pour l’essentiel, bien sûr, il s’inscrit dans un genre bien établi qui pourrait être appelé autofiction électorale. Une évocation de son rôle de ministre, qui, pour le meilleur et le pire, lui a valu sa notoriété et son poids politique. Un aperçu de programme, puisqu’il s’agit après tout d’être lue par les électeurs, ou tout du moins les journalistes intéressés. Le tout lié par des éléments biographiques, donnant à lire une femme et une mère moderne, épanouie, etc. Sans oublier une véritable galerie de portraits, pour rendre hommage à tous les parrains et inspirateurs, de Frank Borotra à Tony Blair, de Romain Gary à Michèle Alliot-Marie. 
Valérie Pécresse respecte ainsi toutes les règles. On sent presque la check list vérifiée par un conseiller scrupuleux. A-t-on bien évité tout mot pouvant blesser l’Elysée ? Le passage sur Jacques Chirac est-il parfaitement dosé ? Chacun des sujets de fond est-il abordé à sa juste place ? Les axes du programme ressortent-ils comme il faut ? La personnalité de la ministre, gaulliste sociale pour l’ancrage (ah, Malraux), femme moderne pour l’avenir (facebook et home) est-elle efficacement exprimée ?
Evidemment, trouver son chemin entre autant de contraintes n’est pas très aisé pour l’auteur / candidate. Ouvrant son livre sur une cérémonie célébrant la fusion des trois universités de Strasbourg, au cours de laquelle la Ministre s’est fait chahutée, Valérie Pécresse ne peut que passer sous silence le stupéfiant discours présidentiel qui avait provoqué l’ire des chercheurs. Insistant sur les enjeux éducatifs, elle livre sur la carte scolaire une remarquable démonstration par l’absurde. Fidèle à son discours social, elle peine en matière de logement à se débrouiller des positions de son camp. Au point de tenter un double rejet, des communes de droite allergiques au logement social, faciles à identifier mais jamais nommées, et des villes de gauche en réclamant toujours plus, dont l’existence paraît nettement moins avérée.

Égrenant une longue liste de sujets – à l’heure où le gouvernement auquel elle participe envisage de spécialiser les compétences des collectivités locales, Valérie Pécresse développe encore une ambition méritoire sur la santé, qui aurait été plus convaincante si elle avait pris en compte la réforme hospitalière engagée par sa collègue Bachelot.
Au fil d’un peu moins de deux cents pages, les propositions, commentaires et impressions s’enchaînent sans fluidité particulière mais avec vivacité. En dresser l’inventaire n’apporterait pas grand chose au débat public en cours. Ce qui est plus intéressant est d’observer combien, sur la plupart des sujets, Valérie Pécresse reprend les mots clés de l’actuelle majorité régionale. Qualité de vie, écologie, intégration, formation continue… rien d’essentiel ne vient manquer. On croirait parfois lire Anne Hidalgo ou Cécile Duflot mais certainement pas une proche de Brice Hortefeux.
A défaut de contester vraiment l’orientation de Jean-Paul Huchon, c’est alors son efficacité qui est mise en cause. Incapacité, inaction, immobilisme caractériseraient le bilan de l’institution régionale. Pas sûr que la critique porte assez, surtout lorsqu’elle est émise par un membre éminent du gouvernement. Une partie des difficultés rencontrées en campagne par Valérie Pécresse trouve sans doute là sa source. Sans différenciation suffisante, la défaite est probable.