Par l’intermédiaire de son ambassadeur tonitruant auprès de l’OTAN, Dimitri Rogozin, dont les esclandres, insultes et menaces publiques sont la spécialité diplomatique, Moscou choisit l’escalade dans la vocifération.

Après la décision de la Roumanie, rendue publique le 4 février, d'accueillir sur son territoire des missiles intercepteurs dans le cadre du nouveau projet de bouclier antimissile américain (ABM), c’est le Premier ministre bulgare, Boiko Borisov, qui déclarait le 12 février que Sofia allait entamer des négociations avec Washington pour accueillir des éléments de la défense anti-missile américaine.

Dimitri Rogozin a fait une nouvelle sortie "émotionnelle" sur Twitter *, dans laquelle il affirme que "cela ne se terminera avec rien de bon pour l’Europe", puis se lance dans une menace à peine voilée contre la Bulgarie, affirmant "qu’après avoir débuté les deux guerres mondiales contre la Russie, la Bulgarie a fini par vite se « réorienter », pour se « ranger » du côté de la Russie, et qu’il espérait qu’elle n’ait pas à le faire une troisième fois."

En sachant, que le territoire bulgare a été envahi par les troupes russes à plusieurs reprises, ce type d’affirmation, faite par un haut diplomate russe, qui est censé "dire tout haut ce que Vladimir Poutine pense tout bas", ne manque pas de portée.

Moscou est visiblement exaspéré par la redéfinition du projet ABM, dont des éléments devaient être initialement accueillis par la Pologne et la République tchèque, avant que l’Administration Obama n’abandonne ce projet, dans un geste d’apaisement envers la Russie. Bien que ce redéploiement n’en soit qu’au stade de l’éventuelle programmation de négociations entre les Etats-Unis et certains pays européens, et qu’aucune modalité précise ne soit connue, Moscou affirme que le développement de ce système lui est hostile. Or, ce dispositif est censé être dirigé contre les menaces nucléaires iraniennes, en interceptant d’éventuels missiles iraniens lancés contre des pays membres de l’OTAN.

D’ailleurs, l’ancien chef d’état major des forces russes, Victor Essin, a déclaré que dans sa version actuelle, l’ABM ne peut être une menace pour la Russie.  L’explication de cette agitation serait double :


•    comme l’a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, c’est "l’effet de surprise" des déclarations de la Roumanie, puis maintenant de celles de la Bulgarie, qui a contrarié Moscou qui aurait souhaité en être préalablement informé par Washington.


•    sur le fond, les stratèges russes craignent plutôt d’être trop distancés dans l’évolution des systèmes anti-missile et la défense aérospatiale, un marché à forte potentialité de croissance sur lequel les fabricants russes d'équipement militaire sont aussi très actifs


* en russe