Le président Medvedev vient d’approuver la nouvelle doctrine militaire russe le 5 février dernier. La nouveauté majeure du texte (uniquement disponible en russe) est la désignation de l'OTAN, de son élargissement, notamment dans des territoires de l'ex-bloc de l'Est, et plus généralement de son expansion, comme la principale menace extérieure pesant sur la Fédération de Russie.

Ce n’est que hier que la majorité de la presse française a réagi à l’information, comme le journal Le Monde, Courrier international ou le NouvelObs, même si l’Express évoquait cette nouvelle prise de position russe dans son édition électronique dès le 6 février.

Bien que les Etats-Unis ne soient pas nommés dans le texte, c’est via les actions de l’OTAN que la Russie affirme se sentir la plus menacée, et notamment les 3 éléments suivants :


1.    Le  rapprochement de l'infrastructure militaire des pays membres de l’OTAN des frontières russes ;


2.    Une tendance de l'OTAN à donner à ses fonctions une envergure mondiale, "en violation des normes du droit international" ;


3.    "L'élaboration et le déploiement de systèmes de missiles de défense stratégique qui sapent la stabilité mondiale et perturbent l'équilibre des forces dans le domaine balistique nucléaire" ainsi que la "militarisation de l'espace extra-atmosphérique."

Comme le souligne l’Express, l’OTAN a réagi via une déclaration de son Secrétaire Général, Anders Fogh Rasmussen, en marge de la conférence de Munich sur la sécurité : "Je dois dire que cette nouvelle doctrine ne reflète pas le monde tel qu'il est. L'OTAN n'est pas l'ennemi de la Russie. Cela (la doctrine russe) ne reflète pas les réalités et entre clairement en contradiction avec tous nos efforts pour améliorer la relation entre l'OTAN et la Russie", a-t-il ajouté.


Au contraire, pour Anders Fogh Rasmussen, l'OTAN désire parvenir à un partenariat stratégique avec la Russie et, notamment, coopérer sur le dossier afghan : "J'ai appelé la Russie à s'engager plus en Afghanistan, lorsque je me suis rendu en décembre à Moscou (...) Je pense que nous avons les mêmes intérêts que les Russes à voir la situation s'améliorer en Afghanistan", a-t-il dit.


Cette montée de ton de la part de la Russie coïncide avec la décision de la Roumanie, rendue publique le 4 février, d'accueillir sur son territoire des missiles intercepteurs dans le cadre du nouveau projet de bouclier antimissile américain (ABM). D’une façon plus générale, Russie et Etats-Unis sont en négociation en vue d’un nouvel accord sur la réduction des arsenaux stratégiques.

Michel Foucher remarquait dans son dernier ouvrage, L’Europe et l’avenir du monde (Odile Jacob), que cette obsession séculaire russe de la menace sur ses frontières Ouest n’a jamais été aussi peu fondée, puisque la présence de l’OTAN et de l’UE rend ces frontières plus stables que jamais dans l’histoire russe. Or, la Russie est étrangement silencieuse sur les menaces bien réelles que représente par exemple le peuplement sauvage chinois des confins Est de la Sibérie ou l’instabilité endémique de ses frontières Sud.

On peut donc se demander dans quelle mesure ce nouvel épisode dans la litanie traditionnelle de discours anti-occidentaux des dirigeants russes n’est pas à vocation interne. Là où évoquer des menaces réelles pour la sécurité de la population et du territoire russes pourraient laisser entendre que le pouvoir du Kremlin n’est pas capable de maîtriser l’intégralité de son territoire et d’agir efficacement contre la situation démographique et sanitaire désastreuse de sa population, l’agitation des épouvantails de l’impérialisme occidental, dans la plus pure tradition soviétique, est un effet de manche éprouvé pour détourner l’attention des vrais problèmes