Selon le Financial Times, l'ancien Secrétaire au Trésor américain, "Hank" Paulson révélerait dans un livre à paraître, On the Brink, que la Russie aurait proposé à la Chine que les deux pays vendent simultanément leurs obligations de Fannie Mae et Freddie Mac en 2008 pour forcer le gouvernement américain à renflouer ces deux entreprises vitales pour le marché immobilier et mettre l'économie américaine en difficulté. Paulson écrirait qu'il a été mis au courant du plan russe alors qu'il était à Pékin pour les Jeux Olympiques en août 2008, quelques jours après la déclaration de guerre russe à la Géorgie, un allié américain.

Ashby Monk en tire les conclusions dans Foreign Policy, affirmant que si cette affirmation de Paulson s’avère exacte, on ne peut qualifier cette action de la Russie que " comme une tentative de guerre économique contre les Etats-Unis durant l’été 2008 ". La concomitance avec l’invasion de la Géorgie, alliée la plus active des Etats-Unis à la frontière sud de la Russie, semble corroborer cette hypothèse.

Parallèlement, le Bundesamt für Verfassungsschutz - service de contre-espionnage allemand -  souligne dans son rapport annuel de 2008 une intensification des activités d’espionnage industriel et économique de la part des services russes. Ceux-ci ne s’intéressent plus uniquement aux grandes entreprises multinationales, mais de plus en plus à des PME sous-traitantes dans le secteur énergétique des hydrocarbures et de l’électricité, ainsi qu’à des entreprises innovantes dans le secteur des énergies renouvelables. Cette intensification serait à placer dans le cadre d’une nouvelle stratégie des dirigeants russes visant à s’installer dans le secteur énergétique allemand, et de là, à exercer un contrôle sur les réseaux d’approvisionnement et de distribution énergétique européens.

On pourrait additionner cette nouvelle inflexion des priorités russes en matière de renseignement à la " guerre du gaz " entre l’Ukraine et Gazprom de l’hiver dernier, aux manœuvres et pressions qu’exerce la Russie sur divers pays d’Europe et d’Asie centrale pour contrarier les projets européens d’approvisionnement énergétiques alternatifs. Il est dès lors difficile de ne pas voir se dessiner une nouvelle stratégie russe d’offensive tous azimuts contre l’Union européenne et les Etats-Unis.

Très peu de voix en Europe s’expriment sur ce sujet, à l’exception notable du European Council on Foreign Relations (ECFR) qui a publié une note détonante sur l’attitude que devrait avoir l’UE envers ses fournisseurs en gaz russe et une étude très intéressante sur les rapports de force qu’entretient la Russie avec les pays membres de l’UE.  En France, il est particulièrement difficile de trouver des experts en géopolitique ou en renseignement, et encore moins des responsables politiques ou militaires, pour prendre au sérieux cette nouvelle menace russe. Tout le monde préfère se concentrer sur la thématique confuse de la " guerre contre le terrorisme " et les menaces lointaines du Moyen Orient, alors que la présence immédiate d’une puissance révisionniste et belliqueuse, à forte capacité de nuisance comme la Russie, est niée ou balayée sous le tapis au nom d’hypothétiques intérêts commerciaux.

Dans ce contexte, Nonfiction.fr souhaite entamer un cycle de critiques d’ouvrages dissonants dans l’analyse de la politique étrangère russe et de son impact sur l’UE et les autres puissances occidentales.  Le premier livre présenté sera l’essai percutant de Jean-Sylvestre Mongrenier,  La Russie menace-t-elle l’Occident ?, avec une préface d’Yves Lacoste, paru fin 2009 chez Choiseul