Un ouvrage très bien documenté qui célèbre le 50ème anniversaire de la Motown, maison de disques fascinante s’il en est.

Motown : nimbé d’une aura presque magique, ce nom brille de mille feux dans le panthéon imaginaire de tous les amateurs de musique populaire. Qui n’a jamais tapé du pied sur un twist endiablé des Contours, fredonné un refrain des Supremes ou des Four Tops, ou flotté sur la voix lactée de Marvin Gaye ? Ayant accumulé un nombre impressionnant de succès et compté en ses rangs quelques-unes des plus grandes gloires de la musique noire, la compagnie créée par Berry Gordy Jr. a fêté cette année son premier demi-siècle d’existence.

Edité par Le Serpent à Plumes et coécrit par Gilles Pétard et Florent Mazzoleni, Motown Soul & Glamour fait office de juteuse cerise éditoriale sur le gâteau d’anniversaire. De facture classique, l’ouvrage respecte l’ordre chronologique pour retracer avec force détails toute l’histoire, aux allures d’épopée, d’une maison de disques appelée à connaître un destin exceptionnel. La richesse de l’iconographie, parfaitement mise en valeur par le format album du livre, compense la relative pâleur d’un style qui n’atteint pas le niveau de flamboyance requis par un pareil sujet.

Conduit par de fins connaisseurs   , le récit demeure toutefois aussi vif qu’instructif. Tout en déroulant le fil des événements, les auteurs s’attardent sur certaines des figures majeures de cette « usine à tubes », en commençant, bien sûr, par son fondateur.


Septième enfant d’une famille de huit, Berry Gordy Jr. est né le 28 novembre 1929 à Detroit, où ses parents, originaires du Sud, étaient venus s’installer dans l’espoir de meilleures conditions de vie. A l’âge de 20 ans, Berry décide d’abandonner la boxe, pratiquée pendant des années, au profit de la musique. Il commence à composer puis, une fois rentré de la guerre de Corée, ouvre un magasin de disques de jazz… qui fermera deux ans plus tard. Suite à cette malheureuse expérience, Berry Gordy Jr. prend conscience de la nécessité de s’adapter aux goûts du public, en pleine mutation suite au surgissement du rock’n’roll. A cette époque, la scène musicale de Detroit se trouve en pleine expansion, en incitant plus d’un(e) à tenter sa chance. Avec l’aide de sa femme Raynoma et de la plupart des membres de sa famille, Berry Gordy Jr. se lance à son tour en janvier 1959, en montant le label Tamla. Dès le mois de septembre, un deuxième label voit le jour : celui-ci est baptisé Motown, contraction de Motor Town (« la ville du moteur »), surnom de Detroit, qui vit tout entière au rythme de l’industrie automobile.


Inspiré par ce modèle économique mais également influencé par l’esprit d’entreprise de son père, le jeune homme d’affaires prend pour devise : « Créer, fabriquer, vendre ». Pour parvenir à ses fins, il recrute une véritable « armée du divertissement », mobilisable à toute heure du jour et de la nuit… Manœuvrant à plein régime, cette armée va se révéler performante au-delà des espérances de son chef, jusqu’à faire de Motown le label emblématique de l’Amérique des sixties. Il suffit alors d’allumer l’autoradio ou le transistor pour que, le temps d’une chanson estampillée Motown, s’estompent tous les clivages, musicaux, sociaux ou raciaux.


Si cette première décennie d’activité représente assurément l’âge d’or de la Motown, la suite ne doit pas être tenue pour quantité négligeable, la maison ayant su s’adapter aux changements d’époques et de vogues, de la soul au rap, en passant par la pop, le funk, le rock psychédélique ou la disco.


Ne se cantonnant pas aux seules stars, Florent Mazzoleni et Gilles Pétard s’attachent à souligner l’importance du rôle joué par certains hommes de l’ombre, tels que le directeur artistique Harvey Fuqua, le producteur Norman Whitfield, le trio de compositeurs Holland/Dozier/Holland, auquel l’on doit de multiples merveilles, ou encore les Funk Brothers, les musiciens attitrés de la Motown des débuts, parmi lesquels le bassiste James Jamerson et le batteur Benny Benjamin, qui forment une section rythmique particulièrement redoutable.


Attiré par les lumières d’Hollywood, Berry Gordy Jr. va quitter Detroit à la fin des années 1960, choisissant d’installer le siège de la Motown à Los Angeles à partir de 1972 – cap symbolique essentiel dans l’histoire de la compagnie. La Motown va réussir à rester indépendante jusqu’à la fin des années 1980. Elle fait aujourd’hui partie du géant Universal, au sein de la division Universal Motown