Depuis dix jours, un chef d’Etat est sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, partout dans les journaux. C’est un homme fort, qui dit ce qu’il pense et qui n’a pas peur de la contestation. Il est l’homme de la cinquième République … l’homme de la constitution de 1999, du pouvoir bolivarien. Hugo Chávez. Avec son coup d’éclat récent au dix-septième sommet ibéro-américain de Santiago du Chili   , le président vénézuelien a réussi un magnifique exercice de style castriste. Au passage, il renforce l’actuel premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero et le roi Juan Carlos I, qui se sont tous deux violemment opposés à ses propos. Chávez a évidemment franchi les limites de la polémique pour tomber dans un registre bien moins glorieux. Tout le monde s’est accordé pour dire que de tels discours n’étaient pas dignes d’un président, et peut-être encore moins quand ledit président s’engage, en politique intérieure, dans des directions bien obscures.

Le président bolivarien semble en effet parti sur les traces de son illustre homologue cubain. Après les modifications de 1999 qui rendent l’élection du président vénézuélien plus facile, mais aussi plus importante (le mandat passe de cinq à six ans), force est de constater que Chávez ne veut pas se satisfaire de ces menues prolongations : il propose aujourd’hui une élection à vie. On comprendra donc sans difficulté que sa visite à Paris soit l’occasion pour des intellectuels français et internationaux de manifester leur opposition à ces idées. Idées au pluriel car l’élection indéfinie n’est pas la seul point problématique du président vénézuélien. Scrutins sans transparence, constitution d’une milice, droits de l’homme souvent ignorés… la liste est longue. Voilà pourquoi l’appel publié le 19 novembre dans le quotidien Libération mérite l'attention. Pourquoi maintenant ? Car, là encore, ce n’est un secret pour personne, le "fléau de l’oligarchie et héros des pauvres"   est à Paris.

Les français ont bien sûr une immense envie de faire tout leur possible pour arriver à une issue favorable et rapide dans l’affaire Ingrid Betancourt, détenue depuis plusieurs années par les FARC-EP. Mais selon les quelques dizaines d’auteurs et de signataires de cet appel contre l’"opportunisme humanitaire", il faut pouvoir concilier les efforts à faire pour sauver la détenue, sans rien renier de notre droit à affirmer un catégorique désaccord avec les objectifs et les méthodes d’Hugo Chávez.

Interrogé par nonfiction.fr, Hervé Marro, porte-parole du comité de soutien à Ingrid Betancourt, nous donne son point de vue. "Quand Hugo Chavez vient à Paris, il n’y vient pas pour une seule chose. Et quand il travaille sur le dossier d’Ingrid Betancourt, il n’est pas question d’autre chose que la collaboration entre Paris et Caracas, uniquement sur ce point-là. De même, lorsque les Etats-Unis affirment leur soutien aux efforts de médiation réalisés par Hugo Chavez, cela ne veut pas dire pour autant que les Etats-Unis deviennent chavistes. Il s’agit simplement de faire la part des choses et de rappeler qu’Hugo Chavez n’est qu’un médiateur accompagnant les FARC et la Colombie vers des décisions qui n’appartiennent qu’à eux."

Raison de plus pour ne pas céder à l’opportunisme humanitaire du président vénézuélien.


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Crédit photo: idealterna / flickr