Pacôme Thiellement dévoile la mission secrète de Led Zeppelin : retrouver l’harmonie perdue de l’homme avec lui-même et son lien avec le monde.

Voici une plongée dans les arcanes de la pensée occulte sous toute ses formes, avec une approche pop particulièrement osée où Pacôme Thiellement semble brûler tous ses vaisseaux pour interpréter et expliciter la démarche du groupe rock Led Zeppelin. Et lire les conclusions de son projet hybride donne la sensation de parcourir un chemin épique toujours sur le fil, où les digressions inattendues ramènent toujours vers un centre inatteignable qui serait l’unité et la cohérence d’une pensée, celle de l’ésotérisme.

Mais expliquons-nous, la démarche pop, ici pour parler du rock comme postulat de départ pour aller après ailleurs, consiste à prendre des agrégats culturels empreints à divers disciplines et cultures pour construire une pensée mutante qui poserait des conclusions provisoires en inventant sa propre méthodologie. Ainsi, Pacôme Thiellement élabore une analyse du projet Led Zeppelin en se nourrissant de la gnose classique autant que de la philosophie de la renaissance, des séries télévisées Lost et Twin Peaks, ou même diverses légendes et fresques littéraires du patrimoine littéraire européen. Cette démarche pop devient ainsi une sélection non hiérarchisée d’éléments littéraires, philosophiques, théologiques, et populaires, qui sont hybridés entre eux pour créer une nouvelle pensée qui serait une interprétation alternative de l’histoire.

Plongé dans la connaissance des mystères des religions, Cabala est un pari assez osé qui présente Led Zeppelin comme une centrale ésotérique où, par la seule écoute musicale, l’auditeur devient initié à un savoir caché, sautant toutes les étapes initiatiques. Le rock serait la dernière étape d’une désoccultation d’un savoir caché qui réconcilierait l’homme avec son intériorité et le relierait au monde dans un esprit communautaire harmonieux, à l’inverse de l’hyper rapacité individualiste de la culture occidentale actuelle. L’expérience de l’écoute d’un disque des Beatles créerait une nouvelle métaphysique de l’intériorité pour chaque auditeur, et le projet démiurgique de Led Zeppelin se voudrait rien moins qu’une maïeutique transgenre qui apaiserait l’âme de chacun.

Pour cela le groupe utiliserait pour ses pochettes de disques, après celle de Sergent Pepper des Beatles, les références iconiques du théâtre de la mémoire de Giulio Camilo, ou les images sont agencées pour former une mémoire intérieure globale à travers le choix de diverses figures signifiantes qui éveille pour chacun un monde enfoui mais relié par les artistes qui serait des orchestrateurs d’un réveil intérieur individuel. Les paroles et la musique des chansons ensuite sont ramifiés à une dialectique ésotérique initiée par Jimmy Page, grand spécialiste de l’occultisme, qui ira jusqu’à acheter le manoir d’Aleyster Crowley pour s’y installer, et ouvrir une ambitieuse librairie ésotérique à Londres. Cette quête de l’harmonie cosmique reliée à celle de chaque individu, qui n’est pas sans évoquer celle du consul d’Au dessous du volcan de Malcolm Lowry, se lit comme un roman fantastique ou d’ambitieux créateurs décident de créer un dérèglement des significations classiques et sans publicité ou soutien atteignent un succès planétaire par la seule force de leur énergie sans rien lâcher sur l’essentiel.

Pacôme Thiellement convoque la philosophie néo-platonicienne de Marsile Ficin et Giordano Bruno, la poésie de Roger Gilbert-Leconte, l’érotisme renaissance de certains tableaux de Botticelli, le diable selon Milton ou Byron, pour dévoiler un arrière monde occulte passionnant par ses échos référentiels sans fins. Il rappelle ainsi que la pensée classique depuis Hermès Trismégiste est faite aussi de grilles hermétiques utilisées au fil de l’histoire pour des desseins qui nous échappent. Raymond Abellio, grand manieur d’ésotérisme cité opportunément dans Cabala résume bien la teneur de l’étrange projet de Pacôme Thiellement : « La tradition primordiale a été donnée aux hommes d’un seul coup, tout entière mais voilée. Ou plutôt les hommes qui l’ont reçue ne disposaient pas encore des moyens intellectuels nécessaires pour la traduire en notions claires. Cette tradition est une métaphysique est non une morale. C’est à nous, hommes d’aujourd’hui, qu’il incombe d’expliciter la tradition en passant d’une simple “participation” à une vraie connaissance. »
 
Thiellement organise de manière très personnelle sa vision de diverses connaissances choisies et tisse ainsi une féerie assez étrange, où le populaire croise la grande tradition dans un carnaval forain baroque, hanté par les angoisses contemporaines où l’homme se sauve par l’amour et l’étude