Véronique Sartre,
 vous êtes l'auteur d'un ouvrage intitulé La communication de crise aux éditions DEMOS . "AZF", "vache folle", "Erika", qu'elles sont les caractéristiques types d'une
crise? 


Il y a un moment où la crise est latente, les personnes concernées sont confiantes, moins vigilantes.  Puis la crise 
éclate. Elle résulte d'une négligence des signes avant-coureur. Prenez la catastrophe d'AZF, il y a fort à parier qu’un technicien sur place
 a constaté le stockage dangereux des produits. Mais soit il n’a pas fait remonter l’information, soit il l’a fait et son constat n’a pas été pris en compte à un niveau hiérarchique supérieur. Ensuite, la crise monte en puissance.
Les médias jouent alors un rôle déterminant : Le niveau de couverture  médiatique de la crise dépend de l’actualité générale. La chance pour les entreprises réside dans la forme cyclique de la crise : les médias s'emparent de la crise, puis la délaissent au profit d'une autre actualité. La société entreprend alors un long retour à la normale. Jusqu'à la prochaine crise.

Une des phases majeures de la crise est, d'après vous, l'anticipation. Quelles actions méritent d'être menées pour gérer 
de la manière le risque et éviter la crise?

Il
faut envisager tous les scénarios de crise. L'essentiel est de prendre en compte tous les acteurs et à tous les niveaux. Les personnes sur le 
terrain ont une connaissance pointus des enjeux. Ils sont indispensables! Ensuite, il faut savoir tirer les conséquences des événements extérieurs. Prenez le braquage récent d'un fourgon blindé à Lyon. Les banques concurrentes en ont elles 
tiré des leçons? Ont elles vérifié leurs procédures? Sans doute non. Les entreprises n'apprennent plus des erreurs du passé. Pourtant, cette approche à 360° est impérative si elles veulent gérer au mieux le risque.

Vous décrivez ce que doit être la gestion d'une crise mais aussi l'art de gérer le retour au calme. Sur lequel de ces 
créneaux les entreprises françaises sont-elles les moins efficaces? 


La grande chance des entreprises réside paradoxalement dans la nécessité pour les média de couvrir l’actualité « chaude » en laissant filer au second plan un événement grave. Dans ce calme relatif, l'entreprise peut initier la gestion de
 son après-crise. Même dans le cas du  crash du vol AF447, ce drame fait la une d
e l'actualité durant quelques jours, puis l'arrivée de la grippe A  relègue la
polémique au second plan.


Le vrai problème pour l’entreprise se trouve en interne. Elle se préoccupe rarement de regagner la confiance de ses salariés,  de les aider à « panser » les  
plaies ouvertes par le traumatisme de la crise. Une fois le sommet de la crise dépassé, le retour à la normale se double d’un retour au statut quo. Tout repart comme avant. Ceci est aussi vrai en externe. L'exemple de la crise financière avec l’attitude des banques qui semblent aujourd’hui repartir dans leurs anciens travers spéculatifs en est
 une parfaite illustration. Elles mettront certainement du temps avant de regagner la confiance de leurs clients.

Dans l'actualité récente, la compagnie Air France a
été confrontée à une situation de crise sans précédent avec l'accident du vol AF447 Rio-Paris. Quelle appréciation tirez vous de la communication de crise du groupe?


Au niveau humain, Air France a eu une bonne gestion surtout dans la compassion pour la douleur des familles. Par contre, au niveau technique,
il y a eu une mauvaise répartition des rôles. Dès le début de ce drame, la défaillance des sondes dites "Pitot" du nom de son inventeur a été évoqué. Air France n'a pas su se positionner par rapport à Airbus, par rapport aux fabricants des sondes : qui fait quoi? qui utilise quoi?. Cette erreur aurait pu coûter plus cher au groupe.

* La communication de crise , Véronique Sartre (Broché/ les éditions Démos).

Propos receuillis par Julien Miro