Dans son ouvrage "Les politiques du risque" (SciencesPo/ Gouvernances), Olivier Borraz, directeur de recherche au CNRS, analyse les différents étapes qui conduisent à l’émergence d’un risque et la capacité de l’Etat à protéger ces citoyens. Entretien.

Dans son ouvrage Les politiques du risque (SciencesPo/ Gouvernances), Olivier Borraz, directeur de recherche au CNRS, analyse les différents étapes qui conduisent à l’émergence d’un risque et la capacité de l’Etat à protéger ces citoyens. Entretien.

Dans votre ouvrage, vous détaillez les étapes conduisant à l’émergence d’un risque. Le risque suit-il toujours le même parcours ?

Oui et non. Pour qu’une activité devienne un risque, elle traverse une série d’épreuves. Dans mon ouvrage, je les présente de façon linéaire mais dans la réalité elles peuvent être dans un autre ordre voire même confondues. Il y a des passages obligés. Prenez, ce que j’appelle la perte de familiarité. Effectivement, l’activité perd ses attributs initiaux, on ne la connaît plus, on ne la comprend plus, on ne la contrôle plus. Un processus s’engage et cette activité devient un risque.

Pour vous, le risque découle d’une véritable construction sociale et politique. Que voulez vous dire ?

Il y a dans le monde qui nous entoure des sources de danger, réel ou potentiel. Mais ce qui retient mon attention, c’est le processus qui mène à la qualification de risque. Avant, il appartenait aux ingénieurs et aux scientifiques d’établir la présence d’un risque à l’aide de techniques de calcul.  Aujourd’hui, la conversion d’un problème en un risque résulte d’un processus controversé entre de multiples acteurs qui ont chacun leurs intérêts, leurs valeurs et leurs formes de savoirs.

Même si la gestion des risques est une mission régalienne de l’Etat, vous estimez que les acteurs non étatiques sont indispensables. Quel  est leur valeur ajoutée ?

L’Etat s’est construit autour d’une promesse de sécurité : il définit les risques contre lesquels il protège la population. Mais en réalité, l’Etat s’est toujours appuyé sur d’autres acteurs. La délégation était plus ou moins visible et encadrée. Sur la sécurité alimentaire par exemple, les acteurs privés gèrent l’écrasante majorité des missions de sécurité. L’Etat n’a plus les moyens de s’en charger ! Il n’a pas les ressources simplement humaines pour assumer son rôle.

Avec le virus H1N1 et la campagne de vaccination, l’actualité offre à votre ouvrage une illustration de la gestion des risques. Diriez vous que l’Etat et les acteurs non étatiques ont joué leur rôle ?

Justement, les acteurs non étatiques, où sont-ils ? L’Etat se présente comme le seul opérateur pour gérer la pandémie. Pourquoi les médecins refusent-ils de se faire vacciner et n’encouragent-ils pas leurs patients à le faire ? Parce qu’ils n’ont pas été associés au dispositif de lutte contre la pandémie. Même la vaccination ne passe pas par eux. Le seul moment où on les sollicite c’est lorsqu’on les réquisitionne ! Au Royaume-Uni par exemple, le gouvernement est présent mais il s’appuie beaucoup plus sur d’autres acteurs (collectivités locales, entreprises, communautés) qu’il associe à la lutte contre la grippe.

 

* Olivier Borraz, Les politiques du risque, Sciences-Po Presses / Gouvernances 
 

Propos receuillis par Julien Miro