Un ouvrage étayé qui passe en revue les biographies des femmes les plus incontournables des civilisations méditerranéennes de l’Antiquité. 

 

Un livre féministe ?

On peut se poser la question du projet d’écriture de cet ouvrage, engagé par Paule Paganon, professeur-e en lettres et historienne spécialiste de l’Égypte. En effet, il semble être reconnu que l’Histoire est le produit des seules implications et actions des hommes. Le phallocentrisme patenté, omniprésent dans les récits de l’Histoire, plus qu’un fantasme, s’avère culturellement légitimé. 

Or – et c’est tout l’intérêt de ce livre – Paule Paganon, aux prises avec une démarche que certains pourraient qualifier de militante (peu importe), cherche à nuancer le discours de ces hommes, historiens et penseurs, qui n’entrevoient le genre féminin qu’à travers le strict prisme de la femme lascive, docile et délicate. L’auteur-e rappelle, en effet : " Messaline a-t-elle été aussi dépravée et débauchée que relate Juvénal ? Agrippine l’Aînée, la mère d’Agrippine la Jeune, a-t-elle eu le comportement magnifique que les historiens décrivent ? Lucrèce est-elle la caricature que l’on connaît, le modèle par excellence de la matrone romaine ? Locuste n’est-elle qu’un nom synonyme d’empoisonnement experte et infaillible ? Les auteurs se préoccupent peu de psychologie quand il s’agit d’évoquer la gent féminine. "  

Aussi, conforme aux prescriptions et combats féministes, tellement dans l’air du temps aujourd’hui, ce livre s’inscrit dans une démarche intéressée. Mais il n’en relève pas moins d’un projet original et nécessaire parce qu’il apporte une visibilité sur les actrices de l’Histoire plus que sur les acteurs.

Changement de point de vue ? Pas uniquement. Le livre de Paganon ne se contente pas de développer une approche qui dépeindrait seulement les femmes comme des figures fortes, indépendantes, omnipotentes et libres de leur action. Bien au contraire, ce que l’auteur-e démontre ici, c’est la difficulté avec laquelle ces reines et intellectuelles de l’Antiquité n’ont eu de cesse de suivre des rôles imposés, par la culture d’une part, par la religion et la société d’autre part.


Contre les préjugés !


Femmes remarquables dans le monde antique se caractérise par la volonté de " tordre le cou " à ces croyances et, pourquoi pas, à ces mythes véhiculés par des hommes, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, sur les conditions de vie des femmes. L’historienne explique que " Les informations à la disposition de l’historien moderne sont donc partielles et partiales, leurs homologues des temps anciens, d’exagérations en hyperboles, cédant volontiers à la tentation de la caricature. Les hommes ont montré à travers leurs textes non des femmes en trois dimensions, mais des images de femmes lisses. "  

On l’aura compris, les femmes de l’Antiquité n’étaient pas de simples gravures insipides et malléables par les hommes et strictement soumises aux contraintes de vie de leur époque.  Partant de ce constat, l’objectif semble clair : réhabiliter l’image des femmes qui tendaient bien trop facilement vers un idéal simple, sans relief ni vraisemblance.

Paule Paganon, revient ainsi entre autres sur les existences des pharaonnes Hatshepsout et Néfertiti qui n’ont pas seulement été des épouses royales mais des dirigeantes elles-mêmes. On (re)découvre également dans l’ouvrage la vie de Sappho, cette ambassadrice de la poésie lyrique (l’un des deux seuls exutoires possibles, avec la religion – en qualité de prêtresse –, où le sexe faible avait " droit " à la parole). On y (re)découvre aussi celle de la pharaonne Tiyi, femme élevée de son vivant au rang de déesse et qui n’a eu de cesse de préparer, comme régente d’abord, puis comme consultante, le règne du futur roi Aménophis plus connu sous le nom d’Akhenaton. On y apprend encore le combat de ces femmes savantes comme Théanô et Hypatie, philosophes et mathématiciennes grecques menacées par l’Église chrétienne de détourner les fidèles, ou bien encore celui de la célèbre Cléopâtre, ce monstre de charme, qui refusait de voir son royaume d’Égypte devenir une vulgaire colonie romaine.

L’ouvrage offre ainsi un regard tout en nuance sur le monde antique et rend compte des conditions d’existence de ces femmes remarquables, bien éloignées de ce que l’on peut s’imaginer. Paradoxalement, celles-ci n’étaient pas de vulgaires parures aux bras des hommes de pouvoir, toujours prêtes à tenir des poses d’odalisque. Elles ont, elles aussi, contribué, voire décidé, des choix politiques, religieux et sociaux de l’Antiquité.