Cet ouvrage en appelle à la politique pour opérer les choix qui justifient les espèces et milieux  à préserver en termes de biodiversité.

Professeur d'écologie au Muséum d'histoire naturelle, Patrick Blandin, auteur de l'ouvrage, a dirigé  notamment la Grande Galerie de l'évolution du jardin des Plantes de Paris.  Dans le cadre de l'Union nationale pour la conservation de la nature (UICN), il est coprésident du Biosphere Ethics Project, destiné à doter l'Union en 2010 d'un nouveau référentiel éthique en matière de conservation de la biodiversité.
L'auteur analyse les évolutions de l'idée de biodiversité depuis le début du siècle : de la préoccupation pour la nature et sa préservation jusqu'aux bouleversements récents qui mettent en scène une catastrophe à venir dépeinte sous les traits de la 6ème extinction des espèces. En 1968, nous apprend t-il, l'Unesco organise la "Conférence de la biosphère" qui a été à l'origine du programme Man and biosphère (MAB) déterminant dans la mise d'opérations de recherche ayant trait à ce que l'on appellera plus tard la biodiversité.  Le terme même de biodiversité est lancé en 1986, et diffusé en 1988, et connaît une prospérité fulgurante.

Quelles sont les principales idées qui gouvernent la compréhension de ce que l'on appelle aujourd'hui biodiversité arguant de sa nécessaire préservation ? L'une de celles exposées par l'auteur  reprend l'idée d'équilibre naturel qui a longtemps prévalu en écologie, mais est, aujourd'hui, considérée comme révolue. Elle a été remplacée par l'idée de changement permanent. Les possibles trajectoires et bifurcations des milieux naturels sont continuellement à arbitrer transformant en choix politique ce qui était considéré comme étant du ressort de la science. La biodiversité ne dépend plus uniquement d'une expertise que l'on voudrait scientifique, mais d'une réflexion qui en appelle à des choix éthiques concernant les espèces à protéger et celles déclarées invasives. Tel est l'argument principal de l'auteur. Au delà de ces considérations urgentes, P. Blandin soumet à la réflexion des thèses et hypothèses qui toutes ont des enjeux scientifiques considérables : par exemple, il y aurait un consensus sur l'idée qu'une plus grande diversité d'espèces pourrait stabiliser le milieu et permettre sa plus grande résilience. Au point que conserver la nature devienne essentiellement synonyme des choix faits dans le sens de conserver ses potentialités évolutives. Dans cette entreprise de préservation et de restauration de la biodiversité, l'auteur considère qu'on doit alors privilégier deux types de valeur : la valeur de la mémoire des lieux et la valeur de leur potentialité d'évolution. Il s'agit de penser les territoires en termes de trajectoires, ce qui conduit à proposer de nouvelles démarches scientifiques. En effet, on ne peut plus penser une science écologique détachée des spécificités et singularités des milieux. Les chercheurs se voient obligés d'accompagner des opérations de transformation des milieux ou de restauration écologique en situation d'incertitude usant alors autant d'art que de science d'intuition que de savoir. Un des critères de scientificité des démarches entreprises pourrait alors tenir en leur caractère opératoire. Cela revient à rapprocher science fondamentale et science appliquée ce qui est, encore, aujourd'hui en France, peu admis.