Pendant que le sort du Président de la Commission européenne passionne les foules, l’arrêt du Tribunal constitutionnel allemand de Karlsruhe sur le Traité de Lisbonne est passé étonnamment inaperçu, aussi bien dans les médias généralistes que chez les commentateurs spécialisés en affaires européennes, sans parler du silence des dirigeants politiques. Les uns et les autres préférant se féliciter du fait que le Tribunal ne s’opposait pas à la ratification du Traité.

La question a été bien été commentée dans l’émission "L’esprit public" sur France Culture le 5 juillet dernier, mais il a fallu attendre un important article d’Arnaud Leparmentier paru dans l'édition du 17 juillet du journal Le Monde pour attirer l’attention du public sur l’inflexion fondamentale dans l’attitude de l’Allemagne envers la construction communautaire que marque cet arrêt.

 

On peut souligner quelques aspects :

- selon le Tribunal, le Parlement européen ne représente pas "un peuple européen", mais un ensemble de peuples européens, et n’a donc pas de légitimité démocratique ;

- le Parlement européen ne peut donc légiférer dans de très nombreux domaines essentiels comme la justice pénale, la police, la fiscalité, la défense, la politique sociale, l’éducation, la culture, etc. ;

- chaque nouveau transfert de compétence nécessitera dorénavant une modification de la constitution allemande par référendum, ce qui équivaut à le rendre virtuellement impossible.

 

Il en résulte une remise en cause du "gradualisme" mis en place par Jean Monnet, dans la construction d’une Union devant être sans cesse plus étroite, et l’arrêt de fait de tout nouveau transfert de compétence d’un Etats membre quel qu’il soit vers les institutions communautaires.
Une interprétation plus large de cet arrêt du Tribunal serait que toutes les instituions communautaires sont non démocratiques et illégitimes. En effet, le Tribunal part de l’idée selon laquelle seul le peuple "un et indivisible" peut légitimer l’essence démocratique des instituions, et que par conséquent, l’Etat est la seule instituions légitime.

Il ne serait donc pas exagéré d’affirmer que cet arrêt nie les fondements même de l’intégration communautaire, et officialise par le droit, la pratique habituelle des Etats membres, prétendant transférer des compétences aux institutions communautaire, tout en se réservant de fait la décision finale.
Espérons que cette décision historique suscitera plus de débat non seulement en France, mais dans l’ensemble de l’Union.

 

 

* À lire également :

- Arnaud Leparmentier, "L'Allemagne apaisée enterre le rêve européen", Le Monde, 16.07.2009.