Ce dictionnaire offre une mise en perspective historique de la République qui en retrace la construction, en précise le sens et les différents aspects.

Le Dictionnaire critique de la République, dirigé par Vincent Duclert et Christophe Prochasson, paru chez Flammarion en 2002, fait l’objet d’une réédition. L’objectif de ce projet est ambitieux puisqu’il s’agit rien de moins que de proposer un regard sur les deux derniers siècles à travers le prisme de la République. La notion de république n’est pas prise a priori mais questionnée par les différents auteurs de ce dictionnaire. Il s’agit bien d’une mise à distance de la notion, qui s’avère d’autant plus nécessaire que la République tend à se confondre avec la France elle-même, sans qu’on s’arrête sur ce qu’elle signifie.

L’exhaustivité était impossible dans ce domaine mais les auteurs ont voulu couvrir un champ très large. Sept parties principales ont ainsi été délimitées, qui couvrent aussi bien les idées, les institutions que les représentations ou les symboles qui sont attachés à la République, sans oublier l’évocation de quelques grandes figures républicaines françaises. La vision de la République est ainsi large et plurielle.

Les auteurs ont préféré une approche historique plutôt que théorique ou juridique de la République, puisqu’"il importe de considérer la République comme une construction de l’histoire, ce qu’elle est bel et bien effectivement, et de l’interroger non comme une totalité indépassable, mais comme une aventure faite de moments, d’idées, d’événements, de conflits, d’échecs et de réussites, faites aussi de la vie d’hommes et de femmes." C’est bien un dictionnaire historique, qui théorise des valeurs, mais qui les étaie également par des faits, et dont les auteurs ont eu le souci de contextualiser et d’illustrer leurs propos.

La réédition comprend deux nouveaux articles : "République et républicains sous les monarchies censitaires (1814-1848)" d’Emmanuel Fureix, et "Les Républicains du Second Empire", signé Sudhir Hazareesingh, c’est-à-dire, au fond, les républicains en-dehors de la République. Ces périodes d’opposition ont, en effet, constitué des moments de réflexion et de confrontation. Dans la première moitié du XIXe siècle, les républicains constituent une nébuleuse d’associations clandestines, qui s’illustrent publiquement lors de coups d’éclat, au moment des funérailles civiles du général Lamarque en 1832 par exemple. Sous le Second Empire, fort de l’expérience de la Deuxième République, les républicains, en exil ou en France, affinent leur réflexion théorique. Ils développent leurs idées et forment des réseaux de sociabilité plus étoffés. Ils mènent également une opposition parlementaire. Cette expérience dans l’opposition restera décisive pour de nombreux républicains, à l’image de Georges Clemenceau.

Une lacune se trouve ainsi comblée : le dictionnaire traite des républicains en dehors de la République. On peut regretter peut-être qu’il ne traite pas des républicains en dehors de la France. On aurait aimé ainsi des articles qui dépassent le cadre strictement national, tournés sur la République et l’Europe par exemple, ou sur la République et la décolonisation, ou bien encore l’exportation du modèle républicain. La République a été pensée à l’origine avant tout pour le cadre national et les réponses à apporter à l’intégration dans des cadres plus larges a toujours été source de débats, comme l’actualité nous le montre encore aujourd’hui.

Cela aurait été sans doute se montrer trop exigeant et il faut plutôt saluer ce beau projet qui réussit pleinement à faire de la République un objet d’histoire. Le dictionnaire offre des pistes de réflexion sur de nombreux sujets, sans en épuiser le contenu, et invite à prolonger la réflexion en proposant une orientation bibliographique pour chaque article.


* Disclaimer : Christophe Prochasson participe au pôle histoire de nonfiction.fr

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Crédit photo : Julie70 / Flickr