L'auteur propose dans ce recueil d'articles une vision parcellaire et peu rigoureuse d'une mouvance politique trop rarement étudiée avec sérieux.

Christophe Bourseiller se présente tout à la fois comme un acteur de cinéma, de théâtre, de télévision, de publicité, scénariste, metteur en scène, écrivain, journaliste, animateur de radio, de jeux télévisés, et enseignant à l'Institut d'études politiques. Depuis son premier ouvrage portant sur l'extrémisme de gauche et de droite   il n'arrête pas de s'interroger sur certains courants politiques désignés comme extrémistes, marginaux ou minoritaires.

Alors que cet auteur bénéficie d'un important fonds documentaire accumulé au fil des ans et d'un  capital relationnel de premier plan, l'ensemble de son oeuvre portant sur le champ politique classé à l'extrême gauche souffre d'une singulière inégalité de qualité ad rem. Son ouvrage sûrement le plus discutable, tant dans la méthodologie que dans l'analyse, Cet étrange Monsieur Blondel. Enquête sur le syndicat Force Ouvrière   avait d’ailleurs fait l'objet d'une critique au vitriol en provenance du Parti des Travailleurs   . Attaques qui se sont reproduites après la parution de son Histoire générale de l'ultra-gauche   de la part d’un certain nombre d'acteurs de cette mouvance. Deux ans plus tard, Christophe Bourseiller reviendra sur ce dernier épisode dans un article intitulé "Réflexions tardives sur l'histoire générale de l'ultra-gauche"   . Une saine critique doit d'emblée refuser toute attaque ad hominem, le défoulement injurieux, la diffamation et les menaces physiques. Écrire sur ces thématiques reste toutefois encore un exercice à risque.

 

Des faiblesses étonnantes

A la lecture de la quatrième de couverture, son éditeur expose avec assurance que Christophe Bourseiller n'a pas hésité "à briser les tabous, brossant un tour d'horizon complet" de ce champ d'étude, via une "analyse rigoureuse", décryptant "de manière inégalée les secrets d'une famille politique étonnamment française et en pleine évolution". Aussi séduisante que soit cette accroche spectaculaire, le lecteur, hélas, ne trouvera ni tabous, ni secrets et encore moins un tour d'horizon complet dans ce livre compilant vingt-trois textes déjà publiés, essentiellement, dans des revues entre 1996 et 2008.

Comment en deux cents pages brosser un tour d'horizon, annoncé comme "complet", de l'extrême gauche (ou de la gauche radicale) quand au premier regard de la table des matières la moitié de l'ouvrage est consacré à la seule question de l'Internationale Situationniste et à Guy Debord ? Et qu'après sa lecture, on constate que l'essentiel du volume a été occupé par les principaux courants trotskistes ? Que reste-t-il donc à ce qui est affublé indifféremment par l'auteur de l'étiquette "extrême gauche /gauche radicale" c'est-à-dire les staliniens, les néo-staliniens, les anarchistes et post-anarchistes, les anarcho-syndicalistes et syndicalistes-révolutionnaires, les libertaires, l'ultra-gauche, les altermondialistes, les autonomes  (et autres annoncés sur la couverture par des points de suspension) ? Tout simplement  quelques pages, lignes ou mots isolés, voire des absences notables. De même, il semble que depuis sa classification portant sur l'extrême gauche mise en annexe de son ouvrage Les ennemis du système il y ait eu peu de changement en vingt ans !  

 

Table rase du présent... de l'extrême gauche

Dans sa préface, Christophe Bourseiller évoque les "anarchistes, autonomes et "ultra-gauche" qui mènent le bal des émeutes" en Grèce, consacre cinq lignes à l'affaire Julien Coupat qui "révèle en novembre 2008 l'existence d'un courant post-anarchiste, privilégiant une certaine action directe", des "petits groupes indépendants de toute organisation" pouvant "planifier des actes de résistances". Et pose la question "Jusqu'où pourraient-ils aller demain ?"   . Et bien sur ces points, vous ne serez pas instruit car ils ne seront pas abordés dans cette somme "inégalée".  Christophe Bourseiller évoquera, mais n'analysera pas, "les militants trotskistes de Combat ouvrier" impliqués dans les évènements de 2009 en Guadeloupe et en Martinique. Exit également le Nouveau Parti Anticapitaliste, la nouvelle direction de Lutte Ouvrière (l'Union Communiste) avec à sa tête Nathalie Arthaud, les Collectifs unitaires autour de José Bové. Trois pages de préface et des questions dans la quatrième de couverture dont on ne trouvera aucune trace de développement en dehors de celle-ci. A croire que le titre de la préface "Du  présent, faisons table rase" pourrait se lire "Du présent de l'extrême gauche, faisons table rase".

Christophe Bourseiller fait le constat que cette "extrême gauche n'en finit plus de caracoler" revenant "avec fracas au-devant de la scène" marquant une "omniprésence des gauches radicales" où "sur le plan électoral, l'extrême gauche atteint depuis une quinzaine d'année des positions remarquables"   . Pourtant, en 2007, il écrivait dans un texte inclus dans ce recueil que "le pronostic vital est engagé. La gauche radicale se trouve confrontée à une crise grave, qui pose la question même de son existence. (…) Comment en est-on arrivé à ce point de non retour ?"   , rajoutant que "si la gauche révolutionnaire est loin d'avoir disparu (…) elle n'en demeure pas moins en plein désarroi"   . En 2007 l'extrême gauche se meurt et décline, en 2009 elle possède une indéniable vitalité depuis quinze ans ! Pratiquant le tiers inclus, minimisant les risques d'erreur, il constatait en 1999 que "par delà ces fluctuations, l'extrême gauche n'est jamais morte. J'observe une étonnante permanence derrière les variations spectaculaire de la conjoncture"   . L'auteur semble justifier que "l'examen du passé permet sans nul doute d'éclairer le présent"   , sans se soucier d'ajouter à ces textes passés des mises à jour, des corrections ou des compléments d'informations sur d'éventuelles évolutions ou involutions opérées depuis.   

Cet ouvrage est donc décevant par son manque de rigueur, ses analyses superficielles et son annonce flatteuse qui trompe le lecteur sur son véritable contenu. Loin d'être la référence annoncée dans son domaine, il ressemble plutôt à un ensemble hétéroclite hâtivement publié par une maison d'édition à haute valeur scientifique dont on est en droit d’attendre autre chose

 

--

Christophe Bourseiller nous a adressé la réponse suivante, que nous publions volontiers :

 

"Un correspondant prudemment anonyme me "somme" par mail de répondre au texte ici présent, un peu comme on brave un saoulard dans un bar.
Je ne saurais me permettre de "critiquer" une critique . Je respecte par trop cet exercice .
Permettez moi simplement de faire remarquer que le livre A Gauche Toute n'est pas un essai sur l'extreme gauche, mais une anthologie de textes, publiées à  des époques diverses, et qui revelent avant tout l'évolution d'un regard .
C'est la raison pour laquelle certains textes peuvent sembler contradictoires . Je crains que mon contempteur ne procède de  la méthode dite de la citation extraite de son contexte . Il juxtapose des phrases, sans préciser qu'elles ont été rédigées dans des périodes tres différentes .
Pour le reste, il est toujours amusant de lire que je ne suis qu'un malheureux saltimbanque, dénué de scientificité . Ce reproche, on me le fait depuis le début des années 80 . Devrais je regretter d'avoir tourné Un Elephant Ca Trompe Enormément ?
Un mot sur le livre Cet Etrange Monsieur Blondel . J'ai tenté en 1997 d'approcher le phénomène de l'entrisme . J'ai bien évidemment mis le doigt sur un sujet sensible . C'est la raison pour laquelle le Parti des travailleurs avait publié un long texte me comparant notamment à Goebbels, me traitant d'antisémite et d'agent du guépéou . Ce n'est pas tres sérieux .
Je ne suis pas hostile à  un débat . Encore faudrait-il qu'il soit serein .
Je n'étudie pas que l'extreme gauche . Je tente d'observer à  ma manière l'ensemble des phénomènes minoritaires . Il est cependant intéressant de constater que certains militants d'extreme gauche ne tolèrent tout simplement pas un simple regard extérieur . C'est la raison pour laquelle la critique est généralement remplacée par l'injure : "fouille-merdes", "bovidée", "inspecteur de police privée", et autres amabilités, qui me semblent révélatrices .
Pour en revenir au texte de Non Fiction, mon procureur doute de mes capacités à  fonder une "science politique de l'extreme gauche" . Je le laisse seul juge .
Mais lui même, qu'a-t-il écrit, pour se permettre un tel réquisitoire ? Est-il au moins l'auteur d'un seul livre publié ?
La critique est aisée . L'art l'est un peu moins ."

Christophe Bourseiller.