Ce catalogue d’exposition, consacré aux dessins d'Asger Jorn, dresse de lui un portrait intéressant mais qui laisse de côté l’analyse de son œuvre.
Peinture, sculpture, gravure, collage, dessin, tissage… L’artiste danois Asger Jorn était un artiste complet. Né en 1914, cet adepte de l’art spontané multipliait les rencontres, à la fois avec les techniques et avec les personnes. On peut ainsi voir dans Asger Jorn, œuvres sur papier, catalogue de l’exposition qui était présentée jusqu’au 11 mai au Centre Pompidou : aquarelle, fusain et encre se mêlaient, sous l’influence d’un Miró, Munch ou Dubuffet. Un double métissage à l’image du mouvement CoBrA - dont Asger Jorn était un des fers de lance - et de son expérimentation permanente.
Dessins à l’encre de Chine auxquels de la gouache pulvérisée donne une véritable profondeur, traits au crayon croisés à la craie, à la plume et au pinceau… Les essais sont variés et laissent transparaître influences et expérimentations collectives. Dans le sillage de l’exposition que les musées royaux des Beaux-arts de Bruxelles consacraient fin 2008-début 2009 au mouvement CoBrA pour son 60e anniversaire, celle du Centre Pompidou mettait en valeur les expérimentations du groupe au travers de celles d’Asger Jorn. On goûtait ainsi à une époque artistique primordiale, des prémices du situationnisme et de Fluxus jusqu’aux affiches de Mai 68.
Expérimentations donc. Comme le souligne Jonas Storsve dans "Asger Jorn dessinateur", "le dessin sera le véritable laboratoire de son art. C’est sur le papier qu’il cherche des solutions d’abord pour ses peintures, plus tard également pour ses sculptures". Consacrer exposition et essai à cet aspect de l’œuvre d’Asger Jorn peut donc sembler indispensable à la compréhension de son travail hétéroclite. Cependant, l’analyse est ici précisément absente. Car s’il reproduit les 108 œuvres de l’exposition, le catalogue s’intéresse davantage à la vie d’Asger Jorn. Les contributions de Jonas Storsve, Dorte Kirkeby Andersen et Troels Andersen suivent le fil de la vie de l’artiste danois, s’arrêtant parfois sur les mêmes aspects.
Première contribution, "Les collections Asger Jorn au Silkeborg Kunstmuseum" se concentrent sur sa passion de collectionneur. Dorte Kirkeby Andersen y raconte l’empressement de l’artiste à donner ses propres œuvres et celles de ses contemporains. "C’est là, explique-t-il dans une lettre au musée en 1961, que je peux révéler au public ce que j’aime et ce qui, de mon point de vue, est important en ce moment." Dubuffet, Michaux, Wols et bien d’autres… Les interactions avec l’œuvre de Jorn sont nombreuses et on regrette qu’elles ne soient qu’effleurées. Grand absent à noter : Dotremont, compagnon d’expérimentations d’Asger Jorn au sein du mouvement CoBrA, avec lequel il a réalisé plusieurs dessins et collages. De même, on regrettera que l’atmosphère révolutionnaire de Mai 68, à laquelle l’artiste participa, soit mise à l’écart. Dans l’exposition, quatre de ses affiches, griffonnées de slogans comme "Brisez le cadre qui étouffe l’image" ou "Vive la révolution passionnée" permettaient pourtant d’aborder un autre champs de son travail : l’interaction de l’art avec la société.
Troels Andersen dresse quant à lui un portrait vivant de l’artiste. Il raconte comment Asger Jorn a financé son premier voyage à Paris en promettant des tableaux à ses financeurs. Une ténacité à rejoindre la capitale française qui ne le quittera jamais, même quand l’en empêcheront famille et maladies. En déroulant la vie de l’artiste danois, Troels Andersen amorce des anecdotes intéressantes, mais ne les développe pas assez. L’auteur évoque quelques rencontres, avec Le Corbusier, celle ratée avec André Breton, revient sur la naissance des revues qui ont jalonné la vie d’Asger Jorn. En revanche, il évoque de manière plus détaillée l’influence de la littérature des œuvres de Jorn. De la naissance des différentes revues aux collaborations avec Guy Debord, on y ressent l’aspect théâtral et littéraire de l’œuvre de l’artiste danois.
Une bonne biographie donc, mais dont on regrette qu’elle n’ait pas exploré plus de thèmes. L’exposition reste indispensable pour sentir la subtilité du mélange des techniques que les textes du catalogue n’approfondissent pas