Olivier Godard, professeur d’économie à l’école Polytechnique, livre, dans le numéro d’octobre 2007 de la revue Futuribles, un commentaire lucide et mesuré des controverses académique et politique suscitées par la publication, un an auparavant, du désormais fameux rapport Stern.

Le premier ministre britannique de l’époque Tony Blair, avait chargé l’ancien "Chief Economist" de la Banque Mondiale Nick Stern, de dresser une évaluation des conséquences économiques et sociales du changement climatique. Dans les 600 pages du rapport, on trouve une revue quasi exhaustive de l’état de l’art de l’économie du climat : modélisation intégrée, calcul probabiliste, optimisation intertemporelle, méthodes d’actualisation. Apparemment, rien de très sulfureux !

Pourtant, les résultats du rapport jettent un véritable pavé dans la marre. A contre-courant de la position attentiste, justifiée par les gardiens de l’orthodoxie néoclassique, N.Stern conclut à la nécessité d’une action volontariste pour contrer les effets potentiellement catastrophiques du changement climatique. Les coûts d’une telle action ne seraient pas si excessifs (1% du PIB) tandis que la poursuite du laisser-faire exposerait la société à des dommages considérables (entre 5 et 20% du PIB). La rationalité économique exigerait donc, au nom de la préservation de la croissance économique de long terme, de réviser les préconisations politiques qui ont prévalu au cours des trois dernières décennies et de fournir un effort, dès aujourd’hui, pour réduire les émissions de gaz  effet de serre induites par notre système productif.

La polémique académique fait rage. Certains auteurs accusent N.Stern d’avoir manipulé les méthodes de calcul pour donner une légitimité scientifique à ses propres préjugés politiques. D’autres (dont quatre prix Nobel) saluent au contraire l’imposant travail de l’équipe Stern qui renouvèle, avec toute la virtuosité technique requise, la perception économique du changement climatique.

Mais la vraie surprise provoquée par le rapport réside sans conteste dans l’accueil franchement favorable qu’il a pu recevoir au sein des cercles de dirigeants économiques et politiques européens. Parallèlement à la réception du film, désormais gratifié du Nobel de la Paix, d’Al Gore, An Inconveniant Truth, le rapport Stern a été l’occasion d’une certaine prise de conscience par les milieux d’affaires des enjeux – notamment financiers – du bouleversement du  climat.

Quelle que soit la pertinence des critiques techniques sur le taux d’actualisation retenu, sur le traitement de l’incertitude au sein des calculs, le rapport Stern a eu le mérite de montrer que le changement climatique n’est pas une fatalité, que le danger est sérieux et qu’une action volontariste précoce est un investissement collectif rentable.



* Post scriptum : Pour un approfondissement de la controverse académique, le numéro d’août 2007 de la revue d’Economie Politique Française, présente un dossier de commentaires sur le rapport Stern. On y trouve des articles, entre autres, de R.Guesnerie, J.C.Hourcade et d’O.Godard.