Avec son abécédaire, Hervé Langlois, didactique par moment, mais néanmoins touchant, nous fait entrer dans son univers.

Laissant le nez rouge pour la plume, Hervé Langlois a publié chez Capculture un petit ouvrage intitulé Lettres à de jeunes clowns et autres égarés… . Mélange de citations, de réflexions personnelles et de conseils, ces lettres le sont au pied de la lettre.

Présenté par ordre alphabétique, chaque mot est l’occasion de partir dans un souvenir, de jouer ou de questionner la place du clown dans la société. Fidèle à la forme éclatée du cirque traditionnel, l’auteur nous laisse faire les liens, reconstituer sa conception du monde à partir de fragment. Ces lettres tiennent donc plus du puzzle que de la notice. On n'y trouvera pas de méthode pour jouer, pour "faire le clown", mais la possibilité de rencontrer un personnage, un passeur, qui aide à trouver son clown.

Fondateur de la Royal’ Clown Company, Hervé Langlois s’éloigne peu à peu de la piste pour animer stages et ateliers sur le jeu clownesque. S’adressant au lecteur comme à un stagiaire, le maître tourne parfois au gourou. L’usage du tutoiement et de l’impératif transforme par moment la rencontre en sermon. Après avoir lu les "10 commandements du clown", on attend plus qu’une chose, qu’Hervé Langlois ouvre la mer et nous invite à le suivre - chaussé d’énormes péniches cela va de soi. Les références directes à Dieu sont d’ailleurs assez nombreuses, mais peut on vraiment reprocher ce mysticisme à celui dont le clown se nomme Ǻngelus ?

Les "Fragments…d’une… interview" qui concluent le livre, avec leur typographie en vague et leurs ellipses sont beaucoup plus pénibles à lire que l’abécédaire. Ce morcellement fini par relever de l’artifice là où l’on aimerait une discussion plus naturelle et profonde.

L’auteur nous donne pourtant de réels moments de plaisir. Clown lacanien, celui qui se présente comme étant mère-turbé nous guide à travers son univers. S’inquiétant toujours, à travers son "u me suis ?", de la présence du lecteur, Hervé Langlois nous redonne le sourire, "Tout va bien, mais personne ne s’en doute". Convoquant des artistes aussi différents que Pierre Desproges ("L’homme donne à pleurer et prête à rire"), Miles Davis ("Pourquoi jouer tant de notes alors qu’il suffit de jouer les plus belles ?") ou Tayllerand ("Doucement, je suis pressé"), Hervé Langlois nous aide à entr’apercevoir le chemin à parcourir pour atteindre son clown, une introspection, une acceptation de soi qui ne va pas de soi. L’accès à un savoir qui ne se transmet pas mais se découvre. À l’expression faire le clown, l’auteur répond, "Le clown, ça ne se fait pas. Ça se défait. On ne fait pas le clown, on le laisse faire. C’est ce que j’appelle recevoir son clown".

Lettres à de jeunes clowns et autres égarés… s’adresse finalement à tous ceux qui se sont égarés sur Terre. N’en déplaise à Millet, Ǻngelus n’est pas complètement sonné, ce clown un peu décalé, nous invite à l’essentiel : chercher en nous humanisme et poésie et les offrir au monde.