L’intérêt du dernier numéro de la Revue Française de Science Politique, "Le genre à la frontière entre policy et politics", tient à ce qu’il traite du genre en le ramenant au statut de tout objet d’analyse des politiques publiques. L'approche scientifique des différentes études de cas évacue ainsi le regard militant qui investit le champ   . Le numéro ne parvient cependant, jusqu’aux lumières du dernier article, à exposer les enjeux que soulève la notion de genre dans les sciences politiques aujourd’hui. Ce dossier aborde davantage la capacité d'action des femmes lors une étape clé des politiques publiques : la mise sur agenda, qu'il ne fait comprendre dans quelle mesure le genre est une donnée importante pour penser l'action publique et la politique en général.

Après une typologie concernant les usages du concept de genre, proposée par Jane Jenson et Éléonore Lépinard, la mise sur agenda des politiques publiques est au centre de toutes les attentions. La grande majorité des contributions lui est plus ou moins directement consacrée. De façon directe, celle de Laurie Boussaguet analyse le phénomène des "faiseuses d’agenda", ou la manière dont des militantes féministes sont "devenues les actrices-clefs de l’émergence du problème des abus sexuels sur mineurs en Europe dans les années 1980". Celle de Sophie Jacquot examine le processus de mise sur agenda du principe d’égalité entre les femmes et les hommes au niveau communautaire. Celle de Laure Bereni, en prendant l’exemple de la parité politique, aborde la façon dont la mise à l’agenda ravive les mobilisations féministes. De façon indirecte, l'article d’Isabelle Engeli s’attache à une comparaison entre la France et la Suisse quant à la problématisation de la procréation médicalement assistée. Mettant en évidence les "aléas de la mobilisation féministe", elle analyse la manière dont les groupes de pression s’exercent de façon différenciée selon la résonance des discours pro-life dans la société. 

La dernière contribution, celle d’Amy G. Mazur, est essentielle au numéro puisqu’elle lui procure sa cohérence, et qu’elle met au jour les enjeux soulevés par les diverses études de cas. L'article fait le lien entre tous les autres en établissant des comparaisons, mais surtout théorise une "approche genrée de la démocratie". Sans cette riche contribution, la Revue Française de Science Politique aurait perdu de vue son ambition, qui consiste non pas à juxtaposer les monographies et à encourager la casuistique, mais à penser les évolutions de l'objet politique

 

* Revue Française de Science Politique, "Le genre à la frontière entre policy et politics", avril 2009, Volume 59, numéro 2