Un tour d'horizon des changements climatiques attendus en France d'ici 2030.

Malgré une illustration de couverture volontairement alarmiste et présentant une tour Eiffel cernée d’éclairs à côté d’un sol crevassé par la sécheresse, le livre de Frédéric Denhez n’est pas catastrophiste.

C’est d’abord un tour d’horizon assez complet des conséquences attendues du changement climatique pour le climat de la métropole. Après un survol trop bref du fonctionnement même de la machine climatique, l’auteur décrit les projections climatiques pour 2030. Pourquoi se projeter en 2030 et non en 2100 ? Frédéric Denhez n’explicite pas le choix de cette focalisation sur les 20 prochaines années. Ce choix me semble une volonté délibérée de démontrer que le changement climatique est une réalité, et que ses conséquences ne forment pas un risque hypothétique à long terme mais quelque chose de très concret et visible, à l’échelle d’une vie humaine. Les travaux du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC) ont montré très clairement que l’évolution du climat au 21ème siècle va dépendre des émissions mondiales de gaz à effet de serre : plus ces émissions seront élevées, plus le changement climatique à horizon 2050-2100 sera intense. Les simulations climatiques ont également révélé que nous n’avons plus la main sur l’évolution du climat à l’échelle des prochains 20 ans, déjà inscrite dans la réponse du climat à la composition atmosphérique actuelle.

Frédéric Denhez passe donc en revue les conséquences attendues du changement climatique en France, en s’interrogeant sur les régions où il fera bon vivre, compte-tenu de l’évolution des températures ou des précipitations. Il élargit ensuite sa réflexion aux écosystèmes, à la manière dont ce changement climatique va affecter nos paysages, la composition de nos forêts, mais aussi bouleverser les zones d’habitat des insectes et des oiseaux. Un chapitre entier, bien documenté, est dédié au devenir de nos sacro-saints vignobles.

Petit à petit, la réflexion dépasse le seul cadre du climat, pour essayer de décrire les modifications possibles de nos modes de vie. Comment la volonté concertée de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter l’utilisation des énergies fossiles va-t-elle se traduire concrètement ? Comment cela va-t-il modifier l’aménagement du territoire, mais aussi nos rapports à l’environnement ?

Lorsqu’il aborde ainsi les côtes françaises, Frédéric Denhez explore comment l’inéluctable montée du niveau des mers, liée à la dilatation des océans et à la fonte des glaces, va contribuer à l’érosion du littoral, elle-même liée à notre gestion des cours d’eaux et de leur apport de sédiments. Puis il ouvre une réflexion sur le devenir de la pêche et des ports français, et plaide pour que la France devienne un pays « marin ».

Explorant ensuite l’agriculture, Frédéric Denhez montre les différentes évolutions parallèles possibles, entre agriculture industrielle de plus en plus « hors sol », et  circuits courts de distribution locale organisés par un tissu d’agriculteurs « bio ». Parmi ces évolutions possibles, l’auteur souligne finalement que tout dépendra de nos choix collectifs d’aménagement du territoire, et du pouvoir de décision que la société acceptera de donner à ses agriculteurs : salariés de l’industrie agro-alimentaire, ou bien responsables de leur environnement, des puits de carbone à l’identité des terroirs ?

Secteur par secteur, Frédéric Denhez explore les différents schémas d’évolution possible de l’urbanisme, des rapports entre rural et urbain, et de la production d’énergie. Il souligne à quel point l’étalement urbain pèse en terme énergétique, envisageant donc une probable redensification des villes dans une gestion décentralisée. Un chapitre entier est consacré à aux transports, et aux différents progrès technologiques possibles permettant de développer l’offre de transports en commun, de limiter la consommation des voitures en carburants fossiles.

L’exercice suivant de prospective porte sur le contenu de notre assiette. Frédéric Denhez pointe les tendances contradictoires entre la volonté de standardiser une nourriture industrielle bien contrôlée, et celle de proposer une nourriture variée et une véritable éducation à l’alimentation. Il montre à quel point il est indispensable de responsabiliser les pêcheurs pour restaurer ou préserver les stocks de poisson : si rien n’est fait, beaucoup de poissons disparaîtrons des océans et de nos assiettes, d’ici à 2030.

Partant de l’alimentation pour explorer les risques pour la santé, Frédéric Denhez  dédramatise les conséquences du changement climatique en termes de santé, et note que l’épidémiologie et l’éducation pourront prévenir la plupart des risques.
Parmi les modifications importantes de notre société française, Frédéric Denhez est convaincu que nous accorderons en 2030 davantage de valeur à la « nature », en donnant un coût aux atteintes portées à l’environnement, et une valeur à la préservation des « services rendus » par les écosystèmes.  Ce nouveau rapport à l’environnement se traduira, pour Frédéric Denhez, par l’acceptation d’une « sauvagerie » d’une nature plus riche.

Au travers de ce tour d’horizon des devenirs possibles de notre pays, de ses paysages, de ses territoires, de ses modes de vie, Frédéric Denhez interpelle son lecteur par des exemples concrets, par la présentation de différentes évolutions possibles, et montre la nécessité d’une réflexion d’ampleur pour inventer dès à présent, face au changement climatique, un changement de société