Il y a presque 6 mois paraissait dans Le Tigre, bimestriel anticonformiste et indépendant, une nouvelle rubrique : le portrait Google. Le rédacteur en chef de ce "curieux magazine curieux" avait collecté sur Internet toutes les informations publiques d'un internaute, de sorte d'en brosser un portrait assez détaillé pour pouvoir occuper une double page du numéro 28. Parti d'une photo de vacances trouvée au hasard sur Internet, Raphaël Meltz a en effet navigué entre les pages (html) de la vie de Marc L., et a tout retranscrit sur le papier… provoquant un buzz médiatique aussi important que surprenant. Le Tigre revient sur les faits dans son numéro 30 de mars-avril.
Effet boule de neige
L'affaire aurait pu garder des dimensions convenables si le fameux Marc L. n'avait pas été aussi vite identifié. Car si les noms de famille n'ont pas été divulgué, les informations périphériques (noms de ville, prénoms, et même date de naissance) sont toutes restées intactes. Elles ont permis à un collègue de "Marc" de le reconnaître et de l'en avertir. A posteriori, Raphaël Meltz reconnaît l' "erreur" de son journal. Bien qu'il ait finalement choisi de rendre la version de l'article en ligne totalement anonyme, cette décision est arrivée trop tard : le quotidien de la région où réside le jeune homme veut très vite en savoir plus. Alors que Marc L. se plaint de voir sa vie déballée au grand jour, il accorde paradoxalement l'interview.
Or ce quotidien est davantage lu que Le Tigre, notamment par les grands médias, ce qui déclenche un effet "boule de neige". Certains journalistes se serviront du portrait Google pour pointer du doigt les effets négatifs de Facebook, illustrer les menaces que constituent Internet, ce qui, apprend-on, n'était pas la démarche du Tigre : plus que la vie privée d'un individu et sa gestion sur Internet, c'est "le phénomène de recoupement" des informations qui a voulu être démontré. Concernant Facebook, Raphaël Meltz rappelle d'ailleurs que Flickr et Google ont été beaucoup plus utiles dans la collecte d'informations que ne l'a été le réseau social.
L'article souligne aussi que le buzz s'est principalement développé en raison du relais donné à cette affaire par les médias "traditionnels", et non par les "pures players" , bien que celle-ci concerne en premier lieu les internautes, dont les analyses furent nombreuses. Finalement, malgré le silence de Raphaël Meltz et de sa rédaction, le portrait Google fut directement l'objet d'un article dans un journal régional, d’une dépêche AFP, d’un sujet sur les radios nationales, au 20h de TF1 et de différents articles du Monde. Sans compter que Marc L. donna une deuxième interview au post.fr.
Réel vs virtuel ?
Sur Internet, certains ont condamné la démarche initiale du Tigre ou ont accusé ce dernier d'avoir lui-même orchestré le buzz. Les questions des données personnelles sur Internet ont aussi été abordées. Quant aux raisons de l'intérêt des médias pour cette histoire, le magazine rapporte la réponse d'un blogueur : "Le virtuel peut donner une impression d'anonymat, c'est le transfert de ces infos vers un média traditionnel qui a tant d'impact, on prend tout à coup conscience que ces infos sont tangibles malgré la virtualité et qu'elles peuvent être utilisée dans "le vrai monde"."
Depuis, les traces laissées sur Internet continuent d'influer sur la "vie réelle". Un article publié le 1er avril dans le Monde en relate différentes conséquences notamment dans la sphère professionnelle. À la traditionnelle "googlisation" se sont ajoutés de nombreux sites "agrégateurs d'informations" qui attirent de plus en plus de responsables de recrutement, désireux d'en savoir plus sur leurs candidats. Mais la riposte contre ce genre de sites ou contre tout autre tentative de portrait Google s'organise : pour passer entre les mailles du filet, des sites proposent désormais la restauration d' "e-reputation", moyennant une dizaine de dollars par mois
À lire également :
- le portrait google anonyme.
- l'analyse a posteriori de Raphaël Meltz.
- l'analyse du buzz sur Internet & opinion(s).