Tandis que vendredi dernier le Salon du livre ouvrait ses portes au public, Le Monde publiait deux tribunes consacrées à l'avenir du livre électronique. Figures majeures du monde de l'édition, Antoine Gallimard (PDG des éditions Gallimard) et Olivier Quérenet de Bréville (Ancien PDG des éditions Bordas) se sont respectivement prononcés sur les enjeux et les difficultés liées à l'entrée du livre dans l'ère numérique. Adoptant tous deux un point de vue très contrasté, Antoine Gallimard et Olivier Quérenet de Bréville mettent ainsi en avant la complexité sous-jacente à la numérisation du livre papier.

Sujet à un marché fluctuant et vulnérable, le livre est un produit fragile qu'il faut préserver. Comme dans tout écosystème, le changement ou l'intégration d'un nouvel élément doit se faire de manière prudente et réfléchie si l'on ne veut pas nuire à l'équilibre et à la vie de chacun. Pour Antoine Gallimard, l'évolution de l'édition vers le livre numérique peut se faire sans que l'avenir du livre papier soit nécessairement mis en péril ; mais ceci est possible qu'à certaines conditions. Pour Olivier Quérenet de Bréville, l'expérience semble beaucoup plus difficile ; pire, elle aboutirait à l'anéantissement du paysage éditorial, emportant avec elle les éditeurs, les distributeurs et les livres eux-mêmes.

Devant "l'incontournable horizon numérique" pour le livre papier, Antoine Gallimard énonce deux conditions indispensables, selon lui, au bon fonctionnement de la  numérisation du livre. Il s'agit tout d'abord de "préserver les conditions de la création et d'une juste rémunération de celle-ci" grâce notamment au droit d'auteur, "aujourd'hui menacé" par la numérisation de masse imposée par Google. Et, par ailleurs, "maîtriser la distribution et les conditions de commercialisation du livre dématérialisé" afin de ne pas déparer l'économie du livre. À travers ces mesures, qui rappellent celles avancées par Bruno Patino dans son rapport sur le livre numérique remis à la ministre de la Culture le 30 juin dernier, Antoine Gallimard montre néanmoins que le livre papier a de sérieux arguments pour se maintenir face aux technologies numériques.

Prudent mais optimiste donc, Antoine Gallimard se démarque très nettement d'Olivier Quérenet de Bréville qui adopte un point de vue plus alarmiste. En effet, pour ce dernier, la numérisation du livre constitue une menace notoire pour le monde de l'édition et fragilise tous les maillons de la chaîne, touchant à la fois les éditeurs, les distributeurs, les libraires et le livre lui-même. À terme, il prévoit donc une disparition des librairies dans les petites villes, "une chute des profits des groupes d'édition" et un livre papier de plus en plus onéreux qui aboutira indubitablement sur des "ventes de livres encore plus réduites". Olivier Quérenet de Bréville appelle donc l'édition française à réagir, "faute de quoi un autre monde se mettra en place sans [elle]"

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