Censée dévoiler la vérité derrière le Zidane officiel, cette enquête s’égare en chemin.

On a beaucoup parlé en son temps de cette biographie "non autorisée" de Zinedine Zidane, dont le manuscrit avait été dérobé par deux fois avant publication. C’est que l’auteur prétend lever le voile sur l’homme derrière la star, mettre au grand jour, pour paraphraser Brassens, tout ses petits secrets.

Besma Lahouri revient donc d’abord sur le parcours du joueur, du centre de formation à l’AS Cannes, puis à Bordeaux, où il explose, avant de rejoindre la Juventus de Turin en 1996. Il y devient une star internationale avant d’accéder à la gloire footballistique mondiale en inscrivant deux buts lors de la finale de la Coupe du Monde 1998 contre le Brésil. Transféré au Real en 2001, Zidane y remporte la ligue des Champions, marquant en finale d’une fameuse reprise de volée , et un titre de champion d’Espagne. En Bleu, Zidane connaît les déceptions de la Coupe du Monde 2002 et de l’Euro 2004, puis la renaissance de 2006, marquée par des prestations étincelantes contre l’Espagne puis le Brésil, avant de s’achever sur le trop fameux coup de tête.

Pourtant, on le devine, cette biographie ne s’intéresse pas au parcours footballistique du joueur, mais au personnage, au "système" Zidane. Besma Lahouri revient donc sur l’entourage du joueur, à commencer par ses frères qui veillent sur ses intérêts, sur ses relations parfois incestueuses avec la presse (à commencer par L’Equipe), sur ses partenariats publicitaires, notamment avec Danone, sur sa vie privée et la fameuse liaison supposée avec la chanteuse Nâdiya, sur la question du dopage institutionnalisé au sein de la Juventus. Besma Lahouri dresse le portrait d’un Zidane méfiant à l’excès, parfois même vindicatif à l’égard des journalistes dont un article lui a déplu. Pierre Ménès, de L’Equipe, Gérard Davet, du Monde, et Claude Droussent, à nouveau de L’Equipe, ont ainsi fait les frais de sa colère.

Ce dernier exemple mérite un développement particulier, dans la mesure où il révèle des dérives inquiétantes. Au lendemain de la finale perdue de 2006, Claude Droussent publie en effet un éditorial reprochant à Zidane son geste : "Zinedine, savez-vous que le plus difficile ce matin est d’expliquer à des dizaines de millions d’enfants à travers le monde comment vous avez pu asséner ce coup de tête à Marco Materazzi ?" On peut discuter du rôle d’exemple pour la jeunesse que l’auteur semble implicitement assigner au footballeur, mais il demeure que cet article est apparu comme l’une des seules voix dissonantes dans un concert de propos justificatifs, jusque dans la classe politique. Or, dès le lendemain, le même Droussent fait machine arrière, ce qui n’est pas pour rehausser la crédibilité du journal. Selon Besma Lahouri, ce retournement a été "conseillé" par Christophe Chenut, directeur général du groupe L’Equipe, qui entretient par ailleurs des relations amicales avec Franck Riboud, PDG de Danone, principal sponsor de Zidane. Le filtrage impitoyable imposé aux journalistes qui « couvrent » Zidane, que ce soit dans son club ou en équipe de France, ajouté à l’immense popularité du joueur, compromet gravement l’objectivité de son traitement médiatique. Taciturne ou adepte de la langue de bois, méfiant, Zidane est devenue une icône intouchable, statut incarné de manière frappante dans ce visage de plus en plus marmoréen et inexpressif au fil des années.

Dans ces conditions, enquêter sur Zidane demande donc un certain courage. On mettra cependant en doute la méthode choisie qui flirte bien souvent avec le sensationnalisme. Le ton se fait parfois insinuant, notamment dans la narration de l’épisode Nâdiya. De plus, bien que l’auteur s’intéresse d’abord à la face "privée" du personnage, on peut regretter que Besma Lahouri ne connaisse manifestement rien au football et écrive dans un style pour le moins relâché. L’équipe d’Angleterre est ainsi emmenée par "le fougueux David Beckham", tandis que Marc-Olivier Fogiel se décide à "franchir le Rubicond (sic)" en interrogeant Nâdiya sur la rumeur de sa relation avec Zidane. Ailleurs, on trouve des platitudes comme : "Devenu une star mondiale, Zinedine Zidane a conservé le goût des petits bonheurs tout simples de la jeunesse". Enfin, si Besma Lahouri touche parfois juste en évoquant les relations de la star avec la presse   , son ouvrage manque de substance et s’égare parfois dans un ton plus proche des rubriques people que du journalisme d’investigation. Entre enquête de fond et journalisme racoleur, Zidane, une vie secrète ne parvient pas véritablement à choisir son camp. C’est d’autant plus dommageable que l’impuissance croissante du journalisme sportif face aux impératifs commerciaux, qui font des footballeurs les plus en vue des icônes publicitaires, mériterait une véritable réflexion