* Nonfiction.fr s'associe avec Touteleurope.fr sur l'actualité des idées autour de l'Union européenne, et republiera régulièrement des articles précédemment publiés sur Touteleurope.fr.

 

Dans un entretien accordé à Touteleurope.fr, le chercheur Christophe Bertossi   , co-auteur d'un récent rapport réalisé dans le cadre de l'accord sur le "Pacte européen sur l'immigration et l'asile", nous livre son analyse critique du pacte.

Adopté en Conseil des ministres le 25 septembre 2008, puis en Conseil européen le 15 octobre, le pacte européen sur l'immigration et l'asile expose les grands objectifs d'une politique commune dans les domaines de l'immigration et de l'asile. Les 27 se sont notamment accordés sur le principe d'une  "immigration choisie", le renforcement des contrôles aux frontières de l'UE, l'appui aux politiques d'intégration des immigrés légaux ou encore la nécessaire concertation avec les pays sources d'immigration.

 
Le Pacte n'est pas adapté à une Europe qui a "besoin d'immigration"

Pour Christophe Bertossi, le pacte européen sur l'immigration et l'asile   repose d'abord sur un constat : les "besoins communs liés à l'immigration" des 27 États membres de l'Union, en termes de démographie ou de marché du travail.

Or, dans les domaines de l'immigration et de l'asile (qui s'inscrivent dans le pilier "Justice et Affaires intérieures" (JAI) de l'Union européenne) ce sont les compétences nationales qui prévalent. Les politiques migratoires des 27 ont donc tendance à entrer "en compétition les unes avec les autres".

L'adoption d'un pacte vise dès lors à pallier la contre-productivité de ces politiques, en "harmonisant les politiques migratoires au niveau européen" : politique commune en matière d'immigration légale, lutte contre l'immigration clandestine, contrôle des frontières extérieures et enfin mise en avant du "lien qu'il peut y avoir entre l'intégration des migrants et le fait que l'Europe doit s'ouvrir à plus d'immigration dans les prochaines décennies", toujours selon M. Bertossi.

Le pacte semble ainsi refléter un changement dans l'approche des politiques migratoires : on passerait, selon les discours, "d'une politique d'immigration zéro à une politique d'immigration sélective", donc à une réouverture des frontières. Mais pour le politologue les propositions du pacte ne permettent pas ce changement en pratique : ses outils "ne sont pas adaptés à un monde fait de mobilité humaine et à une Europe qui, elle, a besoin d'immigration pour son développement économique et pour faire face au défi démographique", affirme ainsi le chercheur.

 



 
Un "pacte européen de politiques nationales"

Une des faiblesses du pacte reste son caractère peu contraignant. "C'est un pacte européen de politiques nationales", rappelle M. Bertossi, c'est-à-dire le résultat d'un consensus entre 27 États membres qui "rechignent à transférer plus de souveraineté en matière de politique migratoire vers le niveau communautaire".

Ce Pacte n'a d'ailleurs pas de valeur juridique contraignante, l'immigration restant une compétence réservée des États membres.

Cependant, M. Bertossi signale qu'il existe un autre agenda sur les politiques migratoires, véritablement communautaire pour sa part, "qui a commencé avec le sommet de Tampere en 1999, a été suivi par le programme de la Haye"   , et se prolongera par le prochain sommet de Stockholm.

 
Un manque de moyens pour attirer les migrants

La politique européenne de l'immigration et d'asile pêche donc par son manque d'ambition   , selon M. Bertossi qui salue tout de même quelques "avancées" : la "carte bleue" immigration (pour attirer les migrants très qualifiés) ou la question des "migrations pendulaires" (qui vise à favoriser les aller et retours des migrants).

Cependant, pour M. Bertossi l'échec de cette politique tient dans le manque de moyens mis en place pour attirer les migrants, face à la concurrence internationale (notamment les États-Unis ou l'Australie). Ainsi, l'Europe ne pourra pas conserver son niveau de développement économique ou même de protection sociale "si elle ne fait pas appel à plus d'immigration", déclare le politologue.

 
L'immigration comme menace


En particulier, c'est "l'idée de l'immigration comme menace" qui "empêche aujourd'hui les politiques de définir comment attirer l'immigration"   . Les législations de plus en plus dures des Etats-membres tendent à transformer "des migrants arrivés en situation légale en migrants irréguliers".

Christophe Bertossi conclut alors sur la question suivante : "pourquoi, alors qu'on a besoin d'immigration et qu'on dit que l'immigration irrégulière est un problème, on n'a pas de réflexion politique" pour comprendre ce phénomène de durcissement des lois ?

Une question qui peut servir de "piste pour réinventer le lien positif qu'on doit faire entre les migrations internationales, les besoins des pays européens et le besoin de développement des pays du tiers-monde"

 

 

* Voir la vidéo de l'entretien sur Touteleurope.fr