Une enquête sérieuse et impartiale sur l’orpaillage clandestin au cœur de la forêt guyanaise.

Loin d’être un réquisitoire, ce que pourrait laisser penser le titre, ce livre constitue une enquête sérieuse et impartiale sur l’orpaillage clandestin au cœur de la forêt guyanaise.

On ressort de la lecture de ce texte effaré par la logistique mise en œuvre et par l’organisation mise en place pour extraire l’or en toute illégalité. Ce trafic, dont la valeur est estimée entre 100 millions et 200 millions d’euros par an, est essentiellement le fait de chercheurs venus du Nord-Est du Brésil. Entre 5.000 et 10.000 garimpeiros vivraient en toute illégalité dans des camps en Guyane (soit 1/3 des étrangers en situation irrégulière). Axel May rappelle à juste titre que les chercheurs d’or eux-mêmes sont souvent les victimes de trafics et de réseaux organisés. Les garimpeiros sont en effet issus des régions les plus pauvres du Brésil et n’hésitent pas à travailler dans des conditions proches de l’esclavage.

Insécurité, pollution, risques sanitaires, la fièvre de l’or suscite des maux multiples dans un département d’outre-mer qui connaît par ailleurs des difficultés sociales et économiques importantes. L’orpaillage clandestin détruit la forêt primaire amazonienne et attaque l’extraordinaire biodiversité qui y règne. Il met en danger la santé des habitants par l’utilisation de mercure qui pollue les eaux et qui transforme les habitudes alimentaires des populations amérindiennes et bushinenge traditionnellement tournées vers la pêche.

L’orpaillage clandestin pose aussi la question du maintien de la souveraineté française sur le territoire. Comment maîtriser une frontière de plusieurs milliers de kilomètres ? Comment faire respecter l’État de droit dans un territoire objet de toutes les convoitises, et où certaines communes ont dix fois plus de clandestins que d’électeurs ?

Si les opérations Anaconda ont permis le démantèlement de centres importants, elles ont également eu pour conséquence l’éclatement et l’éparpillement des zones de recherche. Autre paradoxe : la lutte contre l’orpaillage aboutit à un transfert des violences vers les villes car les orpailleurs se tournent alors vers la criminalité de droit commun pour payer leurs dettes.

Plus largement, l’ouvrage d’Axel May montre les ambivalences et les difficultés de la lutte contre l’orpaillage clandestin. Les services de l’État, qui ont été renforcés, font certes preuve d’abnégation mais ne semblent pas être en mesure de pouvoir éradiquer le phénomène (de l’aveu même d’un de ses plus hauts représentants). Malgré les opérations "Anaconda" et le déploiement de moyens supplémentaires, les populations touchées (en particulier autochtones) vivent mal la pression qu’exercent sur eux les réseaux d’orpailleurs clandestins.

On aurait toutefois aimé que l’auteur creuse davantage certains dilemmes propres à la Guyane, en particulier la question de la conciliation entre développement économique (qui passe par le désenclavement du territoire) et la lutte contre l’immigration clandestine.

Alors que les conclusions du Grenelle de l’Environnement suscitent l’intérêt des médias, nul doute que le dossier de l’orpaillage clandestin ne manquera pas de resurgir lors des prochains mois…