Quelle régulation après la crise ?

Lasse Pedersen et Nouriel Roubini estiment que le problème fondamental est que la régulation des banques ne les incite pas à prendre en compte les coûts qu’elles imposent à l’économie en cas de panique systémique. Les accords de Bâle, notamment, ne considèrent que les risques au niveau des banques prises individuellement, et non à l’échelle du système financier dans son ensemble. Les auteurs proposent d’une part d’imposer aux banques des obligations d’un certain niveau de capitalisation, et d’autre part de les obliger à acheter une assurance contre les risques systémiques.
Hyun Song Shin défend un point de vue similaire, en défendant l’idée que la régulation financière est actuellement fondée sur l’hypothèse que quand chaque banque est saine, cela suffirait à rendre le système sain. Cette erreur de composition permet d’expliquer pourquoi le système s’est effondré d’un coup sans que les alarmes des régulateurs aient sonnées. La solution serait d’inventer un système mêlant régulation prudentielle au niveau micro et macro. Pour approfondir ces questions, le rapport Geneva Report on the World Economy de cette année fait une série de propositions avec cet objectif.


Pourquoi le premier plan Obama de sauvetage des banques va échouer

Yves Smith du blog Naked Capitalism décrit longuement et avec aigreur les raisons pour lesquelles le plan Obama pour sauver le système financier va probablement échouer. Elle considère que l’approche de la nouvelle administration est fondamentalement similaire, et aussi viciée que l’ancienne (et ne mâche pas ses mots : "L’administration Obama est aussi évidemment otage des intérêts de l’industrie financière que l’était l’équipe Bush"). Prenant appui sur une étude du FMI qui définit les critères des plans réussis (la Suède en 1992 par exemple) et ratés (le Japon dans les années 1990), Smith montre que le plan Obama rassemble les critères de l’échec : coûteux pour le contribuable sans donner d’incitations à la transparence pour les banques. Par ailleurs, Willem Buiter n’est pas beaucoup plus rassurant pour les plans de relance en Angleterre et aux États-Unis : avec une explosion de la dette publique, et des États peu crédibles pour revenir à la rigueur à moyen terme, on connaîtra dans ces pays le type de crise de la dette similaire à celles des pays émergents. Il a même trouvé un nom pour ce phénomène inédit dans des pays développés : "pays submergents".


Une crise du dollar avec ça ?

Le chiffre est simplement énorme : Gian Maria Milesi-Ferretti estime que la position extérieure nette des États-Unis s’est détériorée de 2 000 milliards de dollars, soit 15% de son PIB ! Deux phénomènes expliquent conjointement ce choc gigantesque : l’intégration internationale croissante qui fait que les actifs bruts détenus dans un pays étrangers ont atteint des sommes énormes, et les "effets de valuation", traditionnellement favorables aux États-Unis, se sont brusquement renversés (les actifs détenus par les états-uniens à l’étranger ont connu un choc pire que ceux détenus par les étrangers aux États-Unis).


Les principes pour un plan d’action

Martin Wolf propose un plan d’action autour de six principes : d’abord relancer la demande, puis régler les problèmes de l’architecture financière. Ensuite, avoir une stratégie la plus forte, ne pas faire dans la demi-mesure. Troisièmement, rendre possible et crédible un retour à la normalisation de la politique. Quatre, (voire le paragraphe suivant), assurer la coopération internationale et agir de concert. Cinq, éviter le protectionnisme. Six, renforcer les institutions internationales pour qu’elles protègent les plus faibles.


La coopération internationale est nécessaire

Jeffrey A. Frieden prédit que si la crise se transforme en Grande Dépression, ce sera à cause d’un échec de la coordination internationale. Ce n’est pas tant le protectionnisme "direct" qui menace les tentatives désespérées de s’en sortir tout seul en oubliant les conséquences sur les autres pays (et ils sont nombreux, de Dani Rodrik à Paul Krugman à défendre cette position). C’est donc en travaillant à des politiques domestiques de cohésion que l’on pourra maintenir simultanément la coopération internationale.


Réduire l’incertitude

Dans son article écrit pour The Economist, Olivier Blanchard affirme qu’éliminer l’incertitude est la clé pour terminer la crise, un argument défendu en détails par son collègue du MIT Ricardo Caballero. De nombreux secteurs (ménages, entreprises, finance) sont touchés, et Mark Thoma s’inquiète du fait que s’attaquer à chacun plutôt qu’à un en particulier ne diminue l’efficacité. Alberto Alesina présente la même critique de manière différente : “Tout faire” n’est pas un conseil valide pour un économiste, dont le rôle en tant que conseiller est de suggérer des priorités, même en temps de crise.


Économie pour les nuls

Brad Delong et Paul Krugman s’énervent quand ils lisent les articles d’opinion d’Eugene Fama et de John Cochrane (tous deux de l’école de Chicago). En effet, ceux-ci se méprennent sur des relations élémentaires en économie. Ils prétendent que toute augmentation des dépenses publiques doit se faire aux dépens de l’investissement, puisque l’épargne est l’investissement s’égalisent. Mais ce faisant, ils prennent la position connue sous le nom de "la perspective du Trésor", qui avait fait tant de mal pendant la Grande Dépression avant l’arrivée de Roosevelt en 1934 : en confondant une identité numérique (épargne égale investissement) et les réactions des agents aux modifications de l’environnement économique. Voir Econoclaste pour approfondir (en français)