Le dernier eurobaromètre 2007 sur la réalité sociale de l’UE présentait les Grecs globalement satisfaits de leur vie quotidienne, partageant avec les autres Européens les mêmes préoccupations sur le coût de la vie, la hausse de la criminalité, la crainte du chômage et l’immigration. Cependant, certains chiffres brossaient un tableau beaucoup plus pessimiste des Grecs quant à leur avenir : 55% des sondés estimaient que la situation économique de la Grèce allait se dégrader, 59% que le chômage allait augmenter, 80% ne faisaient aucune confiance aux partis politiques et 65 % se méfiaient du gouvernement. Enfin, à la question "Est-ce que vous pensez que la vie de vos enfants sera plus facile ou plus difficile que la vôtre ?", plus de 80% répondaient plus difficile…

Début octobre, le journal Vima Ideon ("Tribune d’idées"), supplément mensuel du journal To Vima , décidait d’organiser un débat réunissant six jeunes chercheurs grecs sur la politique et l’utopie réaliste sous le titre : "A la recherche d’une vision secrète" (ou "A la recherche d’une vision mystique", suivant l’interprétation donnée au mot grec mistiko …).

Plusieurs thèmes ont été débattus lors de cette discussion surprenante entre les jeunes chercheurs travaillant pour des think tanks de gauche comme de droite : la crise de la politique, la lutte pour l’environnement, le consensus social, le fossé des générations, la crainte de l’avenir, la quête de rêve et de vision pour la Grèce… Selon Mona Papadakou, chercheuse associée à l’institut socialiste ISTAME   , la question est de savoir comment les jeunes voient la société, la politique et leur participation. "Dans une jeunesse à deux vitesses, entre les socialement très actifs et les très indifférents, il n’y a plus de place pour une catégorie intermédiaire. Vous êtes indifférent ? Vous misez sur le clientélisme relationnel et politique…Vous trouverez du travail grâce au piston d’un ami ou d’un député, vous ferez des études grâce à papa, vous finirez certainement écolo mais pas question de respecter le cadastre quand vous vous ferez construire votre maison ! Vous êtes socialement actif ? Vous serez des exclus, vous n’aurez pas droit à l’expression, vous ne participerez pas aux décisions communes !". Andréas Karitzis, Ingénieur en bâtiment, membre de l’Institut Nikos Poulandzas, complète : "Tous les choix se font sur le dos des jeunes, par d’autres qui ne le sont pas. En voulant préserver leurs propres intérêts individuels au détriment d’une parole et d’une réflexion collectives, les jeunes laissent le champ libre aux forces décisionnaires politiques et sociales dominantes. Ils logent comme Tanguy, chez leurs parents, ils gagnent à peine de quoi vivre, ils se sentent mal, ils ont honte, comment voulez-vous qu’ils pensent que l’on peut tout changer par la politique?"

Peut-on alors parler d’une jeunesse apolitique, fashion-gadget-victime ? "Je dirais plutôt perdue, déboussolée, attirée par d’autres modèles, par des mouvements horizontaux comme l’écologie, qui rejette cette idéologie politique qui caractérisait jusqu’alors le clivage traditionnel des partis !" répond Tonia Zervaki, chercheuse associée à l’Institut pour la Démocratie Constantinos Karamanlis. S’agirait-il d’un problème de fossé de générations ? Pour Ilias Roubanis, docteur en sciences politiques, chercheur associé à l’ISTAME, "les précédentes générations  investissaient massivement les écoles, les usines, les syndicats, les associations, les conseils des quartiers. Aujourd’hui, nous tenons des réunions et des discussions de salon, il n’y plus de ligne politique unique. Quand je vivais à Florence au sein du mouvement anti-global, j’avais le choix entre l’atelier "Comment voler dans les supermarchés" et "Comment défendre les autonomistes basques" ! Notre génération a perdu ses points de rencontre !"

Est-il alors encore possible de rêver d’avenir quand on est un jeune Grec ? En guise de réponse, voici quelques slogans, scandés de part et d’autre de l’échiquier politique du pays : "Tout dépend de nous ! Il n’y a pas de rêve unique !  Soyons pragmatiques ! Rêvons réaliste ! Vive l’utopie réaliste !"