Diversité dans les médias : un utile manuel de ressources documentaires internationales.

Ce livre offre un panorama français et international des études et des acteurs de la question de la représentation des minorités non blanches dans les médias, des années 1980 aux années 2000. Il s'agit d'un ouvrage de ressources documentaires plutôt qu'un livre de recherche ou qu'un essai. À la lecture, la principale conclusion est que si la France a été très en retard dans la prise en compte de cette question par rapport à l'Union Européenne, aux États-Unis et au Royaume-Uni, la situation s'est transformée au cours des années 2000 : tandis que la France affiche un fort volontarisme transformateur, l'Allemagne est toujours à la traîne et le Royaume-Uni, qui était le plus avancé dans ce domaine, connaît depuis la fin des années 1990 et surtout depuis les attentats terroristes islamiques de 2005, à la fois une méfiance vis-à-vis du multiculturalisme et un net recul du volontarisme en matière de diversité dans les médias.

Ce livre collectif est le produit de la rencontre entre une commande publique, celle de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances   et un réseau de spécialistes des politiques relatives aux minorités fédérés par l'Institut Panos, une ONG internationale à financements publics européens. Sous le terme "diversité", il faut comprendre "la représentation des groupes issus de l'immigration et des minorités"   ; l'objet principal du livre n'étant pas une étude de ces représentations mais une présentation commentée de l'ensemble des documents universitaires, journalistiques et institutionnels (rapports, dispositifs) produits depuis les années 1990 en France, analysés dans leur développement chronologique et en comparaison avec ce qui a été fait sur le même thème au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis. L'utilité de cette comparaison internationale s'est imposée aux auteurs en raison du "retard pris par les médias hexagonaux pour refléter la diversité des composantes de la société"   , mais aussi parce que "les recherches sur la thématique 'médias et migration' sont particulièrement peu développées en France contrairement à d'autres pays"  

Le livre se consacre tout d’abord à une histoire des productions scientifiques et médiatiques ayant contribué à problématiser la question. Il est frappant de constater qu'en France comme en Allemagne, des années 1980 jusqu'à la fin des années 1990, la principale préoccupation concerne l'intégration des immigrés via leurs usages des médias et les émissions qui leur sont spécialement destinées   sans que la question de la diversification de la Nation elle-même ne soit posée, à l'inverse de la situation au Royaume-Uni et aux États-Unis où dès les années 1960, et sous l'impulsion des groupes concernés, s'engagent de véritables programmes de "politiques de la représentation" articulant la question des minorités avec celle du renouvellement de l'identité nationale elle-même   .

Les auteurs nous donnent également une histoire des acteurs, des politiques et des dispositifs institutionnels d'injonction, d’évaluation et de promotion de la diversité dans les médias. En France, le tournant a été pris en 1998 lorsque le Collectif Égalité, par ses interpellations spectaculaires de l'opinion publique a défini la question non plus en termes d'intégration et d'immigration mais en termes de minorité et de discrimination, déstabilisant ainsi la tradition républicaine française égalitariste abstraite, en interrogeant ses contradictions sur un mode depuis longtemps en cours aux États-Unis et au Royaume-Uni   . C’est de nouveau l'irruption des acteurs, via les émeutes de novembre 2005, qui ont conduit l'État et le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel à prendre en compte officiellement la question des politiques de la représentation dans une perspective de lutte contre les discriminations, accompagnés en cela par une floraison de "clubs" d'une élite sociale non blanche intéressés à une telle promotion de la diversité   . Cependant, si les dispositifs de prise en compte sont plus anciens dans le monde anglophone (1970) et de l'Union Européenne (1980), il ne semble pas pour autant que les transformations attendues soient satisfaisantes pour les acteurs concernés   . L’ouvrage continue sur les actions entreprises par les médias eux-mêmes : en France, beaucoup de déclarations, d'affichage et de signatures de "chartes" sans résultats véritablement tangibles   . Sur ce point, les médias français se rapprochent de la situation au Royaume-Uni et aux États-Unis : une mise sur l'agenda plus ancienne et plus constante, mais de faibles transformations dans les médias majoritaires tandis que se développent des offres médiatiques spécialisées favorisées par la segmentation du marché   . La situation semble beaucoup moins favorable en Allemagne où la prise en compte des transformations de la Nation par les immigrés et leurs descendants est encore très problématique   . Le quatrième chapitre rend compte des résultats des études portant sur les contenus télévisuels depuis 1990. Sans surprise, on découvre que la figure initiale du "travailleur immigré" a laissé place en France aux figures négatives et de plus en plus ethnicisées des jeunes de banlieue, délinquants et émeutiers, ainsi qu'à celle des islamistes à connotation communautariste et terroriste menaçant la République, dans le même temps où la "diversité" des élites non blanches étaient au contraire valorisée   .

On observe au Royaume-Uni depuis la fin des années 1990 et encore plus depuis les attentats de 2005 un changement allant dans l'autre sens, avec un désinvestissement progressif des politiques et des dispositifs volontaristes, laissant une large place à des représentations de la Nation de moins en moins favorable au multiculturalisme, tant du point de vue des producteurs que de celui des publics. De sorte que si les minorités sont toujours présentes à l'écran, elles le sont sous deux modalités principales : soit sans que cette différence soit prise en compte, soit au contraire via des stéréotypes négatifs   .

On trouvera en annexe une bibliographie internationale mise à jour en 2008 (bien qu'incomplète) ainsi qu'une liste commentée de sites Internet donnant accès au panorama des acteurs institutionnels, associatifs et médiatiques concernés. Signalons enfin un ensemble de pistes et de domaines encore peu analysés et pouvant constituer autant d'objectifs d'action et d'objets de recherche à l'avenir : les représentations sur internet, dans la presse écrite, la publicité, les médias de minorité, les professionnels des minorités dans les médias ou encore les études de réception