1421 traite l'histoire comme un roman. Et fait la part belle aux thèses chinoises nationalistes. A éviter.

Écrit en 2004 par Gavin Menzies, 1421 est un succès de librairie aux Etats-Unis. La thèse du livre est que les marins chinois auraient fait le tour du monde avant Magellan, découvert l’Amérique 70 ans avant Christophe Colomb et l’Australie 350 ans avant le capitaine Cook.

Le fait que les marins chinois aient construits de grandes flottes est quelque chose de connu. Entre 1405 et 1433, sept grandes expéditions maritimes ont été lancées par l’empereur Zhu Di sous la direction de l’amiral Zheng He, permettant à la Chine d’acquérir rapidement la domination de l’océan indien. La mort de l’empereur signa la fin de cette aventure et une bonne partie de la documentation les concernant fut détruite. 


Mais les voyages de Zheng He n’ont visiblement pas été perdus pour tout le monde, et surtout pas pour les amateurs d’ "alternative history" comme Gavin Menzies. 1421 n’est d’ailleurs pas un ouvrage universitaire et son style d’écriture relève plus du roman que de l’enquête historique.


Il est vrai que les mystères de la grande armada chinoise sont de nature à exciter l’imagination, mais c’était justement l’écueil à éviter. Au final, le seul et unique travail de Gavin Menzies consiste à enchaîner les “et si…” jusqu’à pouvoir présenter une hypothèse de nature à bouleverser la doctrine historique classique : “et si cette vieille carte chinoise était vraie”, “et si sa partie nord-ouest représentait la France”, “et si elle avait été dessinée par des navigateurs chinois”, “et si les chiens debouts peints par Jérôme Bosch étaient des kangourous”, “et si l’imprimerie sur bois avait été inventée à la suite de contacts avec les mêmes navigateurs chinois que ceux qui avaient inspirés Jérôme Boschn”… Une méthode qui l'amène au bord du ridicule, jusqu'à faire remarquer que "les Bretons du pays bigouden présentaient des traits asiatiques" !


Voilà donc un ouvrage d’autant plus navrant que ces questions correspondent à de vrais problèmes historiques. Mais le roman défendu par Gavin Menzies ne correspond finalement qu’à la projection fantasmée de la Chine d’aujourd’hui dans le passé. Il ne s’agit de rien d’autre que d’une instrumentalisation de l’histoire pour légitimer l’idée de l’existence d’un peuple chinois unique, universel et omnipotent.


En fait, les origines musulmanes du grand amiral Zheng He et des autres grands navigateurs chinois ne sont jamais analysées. De même, rien dans ce livre ne permet de séparer l’histoire de la propagande en expliquant comment des peuples aussi différents pouvaient être unis dans un territoire aussi vaste. En fin de compte, c'est un livre qui fait la part belle aux thèses chinoises nationalistes.


À éviter.