Daniel Barenboim signe avec La musique éveille le temps (éditions Fayard, octobre 2008) un essai sur la musique, usant de sa plume de musicien autant que celle de citoyen engagé, philosophe et humaniste, qui s’adresse avant tout à "l’esprit curieux désireux de découvrir les parallèles entre la musique, la vie, et cette sagesse qui devient audible pour l’oreille pensante".

Pour lui en effet, si la musique nous concerne tous de par sa nature (il est plus facile de fermer les yeux pour ne pas voir que de "fermer ses oreilles" pour ne pas entendre), elle mérite néanmoins toute notre attention et notre pensée. Seule l’éducation rend accessible la musique classique, et permet une certaine "concentration musicale" qui, pratiquée dès le plus jeune âge, s’intègre naturellement à l’individu pour devenir une nécessité.

C’est pourquoi l’auteur s’insurge contre le mauvais usage de la musique dans nos sociétés, quand par exemple on n’hésite pas dans une publicité pour des WC à accompagner toute la séquence télévisuelle par le "Lacrimosa" du Requiem de Mozart…  Ce type d’association se fait au détriment d’une écoute concentrée que requiert la musique, afin d’entrer pleinement en contact avec elle.

D’ailleurs, pour Daniel Barenboim, la musique est une source d’apprentissage infinie pour la vie en société et pour l’enrichissement personnel de l’individu :
"La musique n’est pas séparée du monde ; elle peut nous aider à oublier et à comprendre simultanément. Dans un dialogue parlé entre deux individus, l’un attend que l’autre ait fini ce qu’il a à dire avant de répondre ou de commenter. En musique, deux voix dialoguent simultanément, chacune s’exprimant pleinement en écoutant l’autre. D’où la possibilité d’apprendre non seulement la musique, mais de la musique. (…) La leçon la plus difficile pour l’homme, en fin de compte – apprendre à vivre à la fois avec discipline et avec passion, avec liberté et avec ordre – se dégage à l’évidence de toute phrase musicale."
 
Mais si l’auteur nous faire part de ses réflexions sur la place que peut avoir la musique dans la vie de la société et dans son évolution y compris politique, c’est parce qu’il est convaincu qu’elle peut jouer un rôle fondamental au niveau de l’individu, en l’incitant à l’ouverture et à la compréhension . Et par là, elle peut jouer un rôle à l’échelle de la Société tout entière.

C’est pourquoi, en 1999, il a fondé avec Edward Said le West-Eastern Divan Orchestra, constitué de musiciens provenant de tous les pays du Moyen-Orient, tout en étant conscient qu’il ne peut pas apporter à lui seul la paix dans le conflit israélo-palestinien.

Il est persuadé cependant qu’en mettant en relation des individus par le biais de la musique, en les faisant jouer ensemble avec tout ce que cela implique tant en termes d’écoute que de concentration, alors les conditions nécessaires pour le dialogue sont privilégiées. La musique peut exercer un certain pouvoir au sein même de ce conflit, en instaurant un état d’esprit favorisant la voie vers un accord de paix.

L’auteur souligne que dans le monde de la musique, tous les éléments qui la constituent (rythme, harmonie, tempo, son) interagissent entre eux simultanément. L’interrelation, telle qu’elle existe en musique, pourrait alors servir de base à l’édifice d’une Société nouvelle.

Dans cet ouvrage, Daniel Barenboim montre que la musique contient, pour l’oreille qui sait l’écouter, de nombreux ingrédients transposables dans les rapports qu’entretiennent les hommes entre eux, à commencer peut-être par une écoute solidaire. Elle peut et doit être autre chose qu’une activité superficielle, ou un accompagnement sonore au service d’une image. Alors, à une oreille curieuse et concentrée, la musique permettra l’ouverture et l’état de veille