Le fondateur de Reporters sans frontières avait annoncé il y a quelques semaines qu’il quittait ses fonctions de secrétaire général de l’association, poste qu’il occupait depuis vingt-trois ans. Ce lundi, à Prague, Robert Ménard a donc parlé une dernière fois au nom de RSF. Il compte désormais s’engager sur le terrain politique.


"On ne change pas le monde, on l’améliore. Ce sont les politiques qui changent le monde."

À 55 ans, le journaliste cède donc sa place à Jean-François Juillard. Il dit avoir pris cette décision après la campagne menée par l’association contre les dérives du régime chinois. Fier de son bilan, Robert Ménard est aussi conscient de ses limites. "On ne change pas le monde, on l’améliore. Ce sont les politiques qui changent le monde." Il semble ainsi concevoir ses ambitions politiques comme un prolongement de son combat. "La leçon que j’ai tiré des vingt-trois ans passés à Reporters sans frontières, c’est que si l’on n’a pas le relais des politiques, nos actions ne servent à rien." À droite, à gauche ? L’intéressé refuse de se positionner pour le moment. "J’ai arrêté de juger les politiciens en fonction de leur étiquette politique. Je m’engagerai autour de gens plus qu’autour de partis."

Pour l’ex-membre de la Ligue communiste révolutionnaire, qui dit avoir voté Sarkozy au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2007, il s’agit donc d’un nouveau départ. Si les règles du jeu médiatique lui sont assurément familières, Robert Ménard devra sans doute lutter contre quelques problèmes de conscience : à Prague, il a avoué ne pas assumer certaines prises de positions faites au nom de l’association. "On n’ose pas aller contre l’opinion publique. Je le regrette et j’en ai honte."
 

"J’ai trop besoin de la presse pour la critiquer comme j’en ai envie"

Lors de cette conférence, organisée par la fondation Forum 2000, le journaliste s’est attaché à livrer sa vision des médias et du journalisme. Ou plutôt des journalismes : difficile en effet de mettre sur le même plan les conditions de travail éprouvées en France et en Érythrée. Néanmoins, "on se doit d’être exigeant dans nos propres démocraties", dit-il. "Aujourd’hui, les journalistes français sont menacés par deux choses : la séduction des politiciens et l’opinion publique." Robert Ménard s’était pourtant bien gardé d’orienter le projecteur à l’intérieur de son propre pays en tant que secrétaire général de RSF, et pour cause : "J’ai trop besoin de la presse pour la critiquer comme j’en ai envie, et pourtant elle est critiquable." En effet, avec pour maxime : "si l’on n'en parle pas, ça n’existe pas", la recette labellisée RSF est faite d’un soigneux dosage entre stratégie marketing et coups médiatiques spectaculaires. "Les médias sont des machines à produire de l’information, et on entre dans leur logique."

Une méthode décriée, certes, mais qui a porté ses fruits, notamment lors de la dernière croisade de Robert Ménard, les jeux Olympiques de Pékin : "Vous pouvez travailler pendant des années, ça ne sert à rien. Cela faisait longtemps qu’on dénonçait en vain ce qui se passait en Chine. Il a suffi de 3 secondes d’images, qui ont fait le tour du monde entier, pour que le message passe."