Une présentation pertinente et synthétique des enjeux de l'élection présidentielle américaine, des programmes des candidats et du fonctionnement du système électoral des États-Unis.

L’élection présidentielle américaine constitue – les médias nous le rappellent constamment – un spectacle. Mais, au risque d’énoncer une évidence, il faut rappeler qu’elle marque avant tout un grand moment politique à l’échelle du pays et du monde. Avec Le petit livre des élections américaines, Nicole Bacharan redonne à cette élection tout son sens.
 
Politologue et historienne, auteure de nombreux ouvrages sur les États-Unis   , Nicole Bacharan est aussi connue pour ses analyses dans les média français et américains. Le petit livre des élections américaines s’inscrit dans sa volonté de présenter simplement et pédagogiquement, mais avec rigueur et précision, les enjeux de l’élection américaine 2008, les programmes des candidats, et le fonctionnement du système électoral. Mission accomplie.
 

Une élection "historique"  
 
Nicole Bacharan présente, sans s’y attarder excessivement, les enjeux de l’élection présidentielle. Ils sont simples : pour les Américains et pour le reste du monde, il s’agit de sortir de l’ère Bush, responsable d’un véritable "gâchis"   .
 
Sur le plan interne, force est de constater la dégradation de la situation économique (avec, outre un déficit public de plus de quatre cent milliards de dollars, un pouvoir d’achat des classes moyennes en baisse, un taux de chômage en augmentation, et, bien sûr, la crise financière) et sociale (près de quarante-huit millions d’Américains n’ont aucune assurance et, pour les autres, les couvertures sont de plus en plus limitées, tandis que les problèmes posés par l’immigration ne sont pas résolus).
 
Sur le plan international, les difficultés des opérations en Afghanistan, l’échec de la guerre en Irak, la persistance de la menace iranienne, l’absence de règlement du conflit israélo-palestinien, les crises humanitaires africaines, mais aussi la dégradation des relations avec la Russie et l’Amérique latine ou encore l’évolution de l’OTAN, représentent autant de problèmes auxquels devra s’atteler le futur président.
 
Aussi, les personnalités et les programmes des deux candidats à l’élection présidentielle 2008 ne peuvent se comprendre que dans leur volonté de rupture avec l’administration Bush.
 

Convergences et divergences de McCain et Obama
 
Le réel intérêt de l’ouvrage de Nicole Bacharan réside dans la présentation, synthétique et problématisée, des deux candidats. À cette fin, elle compare, non seulement leur personnalité (qui n’est que trop souvent l’objet exclusif des analyses de l’élection américaine), mais aussi les différents aspects de leur programme, en distinguant l’économie, le social, les valeurs morales et les relations internationales. De cet examen, qui reste objectif et dynamique, se dégage un certain nombre de convergences et, naturellement, de divergences.
 
Les similitudes entre les deux candidats sont plus nombreuses que l’on pourrait le penser. Fondamentalement, John McCain et Barack Obama partagent un même socle de valeurs et de convictions dans la démocratie, la liberté, ou encore la grandeur de la nation américaine, socle que la science politique américaine, à la suite de Samuel Huntington   , désigne parfois comme l’ "American Creed". De plus, chacun à leur manière, les deux candidats se caractérisent par leur originalité, qui, évidente pour Barack Obama, n’est pas moins réelle pour John McCain, "l’homme le plus inclassable de son parti"   . Enfin, sur certains points, ils proposent des solutions assez proches, à l’instar de l’engagement en faveur du développement durable, du traitement de l’immigration, ou encore des objectifs de politique étrangère.

 


 
Toutefois, leurs différences n’en sont pas moins aussi nombreuses que déterminantes, car "à travers les candidats s’expriment deux visions du monde, deux manières de concevoir la vie en société, peut-être deux conceptions de l’homme, de ses droits, de ses libertés"   .
 
Du point de vue économique, John Mc Cain est un authentique "ultralibéral"   (au sens français du terme), tandis que Barack Obama est un "démocrate de gauche"   . Cette opposition se manifeste, notamment, en matière de dépenses publiques (auxquelles Obama veut assigner un rôle de relance, inspiré du New Deal de Roosevelt) et d’impôts (que McCain projette de diminuer, plus encore que ne l’a fait George W. Bush). Les solutions proposées par les deux candidats pour l’assurance sociale, "dossier le plus crucial de la campagne électorale"   , sont également différentes : si le candidat républicain veut passer d’un système de responsabilité collective à un système de responsabilité individuelle, organisé dans le cadre du marché, le candidat démocrate considère l’assurance sociale comme un droit qui doit être garanti par l’État, et propose d’investir, par exemple, soixante-cinq milliards de dollars dans un nouveau plan national de santé.
 
Du point de vue sociétal, John Mc Cain apparaît comme un conservateur, opposé à l’avortement, au mariage homosexuel, à la création d’embryons humains à des fins scientifiques, à l’ "affirmative action", ou à la réglementation du port d’armes. À cet égard, Nicole Bacharan souligne avec justesse que les positions de McCain se sont durcies au cours de la campagne, afin de séduire la base de l’électorat conservateur. À l’inverse, celle de Barack Obama se caractérise par ses avis nuancés et son pragmatisme sur ces différents sujets qui rendent ses positions souvent difficilement lisibles, parfois inconfortables.
 
Enfin, les deux candidats s’opposent sur les méthodes à adopter en politique étrangère, non seulement, comme chacun sait, pour l’Irak, mais aussi, plus largement, pour l’ensemble des foyers de crise internationaux. En effet, Barack Obama se distingue par sa volonté de discuter directement avec les responsables de l’ensemble des États, y compris les États ennemis des États-Unis, tels que l’Iran, la Corée du Nord ou Cuba. John McCain, jugeant cette attitude naïve, préfèrerait quant à lui appuyer sa diplomatie sur les pays partageant les mêmes valeurs que les États-Unis, au sein d’une "Ligue des démocraties".


Les clés du système électoral américain
 
Dans une partie conclusive, Nicole Bacharan essaie de présenter simplement le système électoral américain, qui se déroule au suffrage universel indirect à un tour. Il apparaît que les résultats de l’élection dépendront du vote d’électorats clés, tels les Latinos, les "cols bleus" et les évangéliques, mais aussi de quelques États, à savoir les fameux "swing states"   . Dans cette perspective, il faudra être attentif à l’évolution de la carte électorale américaine, dont Nicole Bacharan prédit qu’elle pourrait être bouleversée en faveur des démocrates, Obama ayant pu, grâce aux financements privés dont il a bénéficiés, faire campagne dans des États habituellement délaissés par les candidats.

L’élection présidentielle 2008, couplée avec les élections législatives, pourrait ainsi ouvrir une nouvelle ère politique aux États-Unis, voire provoquer un "réalignement" des forces politiques américaines. Réponse dans la nuit du 4 au 5 novembre