L’idée du développement durable, apparue dans les années 1980 avec le rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU publié en 1987, recouvre des notions de générosité et d’altruisme, puisque les besoins des générations actuelles doivent être comblés sans compromettre ceux des générations futures. S’il est difficile d’être altruiste dans toutes les conditions, l’actualité nous prouve qu’il est plus ardu encore de l’être à tous les niveaux.
Pour l’équipe française qui assure la présidence de l’Union, ce sont en effet deux niveaux, la France et l’Europe, qui sont mis dans la balance. À l’échelle européenne, le développement durable est l’une des quatre priorités affichées pour ce semestre et s’inscrira dans le cadre d’un programme planifié sur trois présidences (française, tchèque et suédoise). Mais sa gestion par un gouvernement qui, à l’échelle nationale, n’est pas réputé pour ses actions écologiques, peut soulever des questions.
Le peuple français paraît, en effet, davantage préoccupé par le développement durable que son gouvernement. Ainsi, une agora citoyenne a eu lieu en juin 2008 sur la lutte contre le changement climatique et de nombreuses études ont montré que les Français prennent au sérieux les défis écologiques, même s’ils hésitent encore face au coût des installations nécessaires . Durant ce même mois de juin, l’absence de grands représentants français à la Semaine Verte organisée par la Commission européenne constitue, inversement, un signal négatif quant à l’implication des politiques sur le sujet.
L’objectif qui consiste à faire de l’Union européenne un leader en matière d’écologie répond à plusieurs nécessités majeures : rendre l’Europe plus attractive pour ses citoyens, mais aussi s’affirmer à l’échelle internationale dans la lutte contre le changement climatique. Les signataires du protocole de Kyoto sont d’ailleurs attendus à Poznan en décembre 2008 et à Copenhague en 2009, afin de signer un accord international sur le climat après 2012.
Dans la pratique, il paraît difficile de croire que les choses puissent avancer rapidement. En témoignent les divergences entre États membres au sujet des OGM, thématique présente depuis peu dans les réunions de la présidence française, et le fait que ce débat occulte peut-être des problèmes plus importants, comme celui des gaz à effet de serre. Dès le premier mois de la présidence, Jean-Louis Borloo et ses secrétaires ont donc mis en place des conseils informels afin de prouver leur engagement dans ce domaine. Mais montrer la voie implique souvent de montrer l’exemple, et c’est à ce niveau que le gouvernement français a rencontré ses limites.
Car si la France en a fait l’une de ses priorités, elle n’est pas un bon élève en matière d’environnement, bien au contraire. Le tri des ordures, par exemple, a mis du temps à s’imposer : alors qu’en Belgique, le tri dans les poubelles de rue s’est généralisé, de nombreux Français peuvent encore jeter leurs détritus sur la voie publique sans craindre une amende . En outre, le troisième rapport sur le respect du droit communautaire de l’environnement en France, publié par la commission des Finances du Sénat , souligne les carences françaises en la matière, en particulier la non-transposition ou la transposition partielle de directives européennes. Ces contentieux pèsent lourd sur le budget de la France (la dernière condamnation ayant coûté près de 80 millions d’euros), et plus encore pour son image. En outre, il aura fallu attendre octobre 2007 et le Grenelle de l’environnement pour voir les questions environnementales devenir un point important de l’agenda gouvernemental français .
La Commission a posé, en janvier 2007, des objectifs ambitieux dans un ensemble de directives dit "paquet climat" , dont notamment la réduction d’au moins 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Ce "paquet climat" répond à la stratégie européenne de développement durable, adoptée en 2001 à Göteborg, et a reçu une première série d’avis de la part du comité économique et social européen, positifs dans l’ensemble. Le défi de la présidence française est de faire adopter ce paquet avant la fin du semestre, et de préférence au premier tour, par le parlement.
Malheureusement, face à la directive "retour" et aux propositions dans le domaine "visa, asile et immigration", ces mesures louables risquent de ne pas être médiatisées, sauf dans leur aspect énergétique. En effet, l’augmentation des prix du pétrole a mis au jour la nécessité d’une indépendance énergétique de l’Union européenne : il est aujourd’hui admis que, sans un changement de politique, celle-ci sera de plus en plus tributaire de l’approvisionnement extérieur (70% dans les dix ou vingt années à venir, contre 50% en 2001, selon le rapport d'information de la commission et d'échanges de l'Assemblée nationale de 2001), avec tous les risques stratégiques que cela représente. À ce sujet, il convient de relever la présentation du programme du ministère de l’Écologie devant la commission TRAN (transport et tourisme) du Parlement européen, qui a donné un aperçu des objectifs pour ce semestre en matière de développement durable. La présidence française serait-elle finalement verte ?
* Article publié en partenariat avec les Jeunes Européens - Universités de Paris.