Malaurie poursuit la croisade pour sauver les Inuit et nous donner une conscience écologique. La cause est bonne, mais le plaidoyer est gâché par la complaisance.

Cette petite plaquette (vingt-huit pages) est un cri d’alarme sur l’état de notre planète. En défendant le sort des populations arctiques, nous assurerons notre survie : les peuples primitifs, "naturés", sont une réserve pour l’humanité. Ils sont "le levain de la terre (...) que l’on entend si peu" ; "leur prescience primitive, leur innocence native est le bien le plus précieux qui, désormais, nous fait le plus défaut." L’Afrique noire devrait aussi devenir un modèle pour nous.

Sept très courts textes, repris d’interventions de l’auteur dans des enceintes prestigieuses en compagnie de gens prestigieux, nous avertissent que la Terre Mère gronde, que les signes sont là et que, déjà, elle se venge des agressions "lucifériennes" que nous lui infligeons. Le style est épique, prophétique, apocalyptique. Les références culturelles laissent pantois : la Bible très souvent, la kabbale, Nietzsche, Hoelderlin, Rimbaud… Ce ne serait pas gênant si cela n’était  censé constituer le premier registre de l’argumentaire.

Le deuxième registre repose sur l’introspection de l’auteur (treize pages sur vingt-huit). Certes, l’expérience de Jean Malaurie n’est pas banale, et si elle peut servir à faire entendre un message salutaire, pourquoi ne pas la médiatiser ? Mais plus qu’un moyen, la lecture de ce texte donne l’impression qu’il s’agit d’une fin en soi.

Jean Malaurie est un "monument" : l’éditeur le dit dans un avant-propos dont le style ressemble beaucoup à celui de l’auteur. Il défend, avec talent et panache, une cause juste à force d’être évidente. Peu importent dans ces conditions les biais idéologiques. La critique ne saurait être que mesquine : certains collègues en avaient fait l’amère expérience en publiant dans le journal Le Monde une analyse de sa série télévisée sur les Inuit. Les idées défendues sont celles que l’opinion publique veut entendre. Qui parle de démonstration scientifique ? A fortiori dans un ouvrage édité par le CNRS ?

Si les Inuit ont quelque chose à nous enseigner, sachons les écouter.