Dans son article paru dans Libération hier matin, Thomas Piketty ne mâche pas ses mots en assimilant d’emblée la RSA à une véritable "imposture". Après un bref récapitulatif de l’état des lieux du système RMI/PPE (prime pour l’emploi), Thomas Piketty s’interroge sur le changement que pourrait éventuellement provoquer la création du RSA. D’après lui, la réforme reste "brouillonne", et l’effet plus négatif que bénéfique en ce qui concerne la précarité.

Si la mise en place du maintient permanent de l’intéressement et son indépendance vis-à-vis du RMI peuvent sembler louables, Thomas Piketty reste sceptique quant au déplacement soudain et massif des RMistes vers un emploi à temps partiel. En effet, la création du RSA n’est pas assez ambitieuse estime le directeur d’études à l’EHESS, qui prône une "révolution fiscale" fondée sur l’unification et la modernisation de l’impôt progressif sur le revenu.

Toujours selon Thomas Piketty, c’est donc à la gauche que revient le devoir de se saisir de cette question fiscale urgente à l’heure où les caisses de l’État deviennent trop vides pour financer le RSA. D’autant plus que le revenu de solidarité active est une mesure avant tout défendue par cette même gauche, comme le rappelle, avec un optimisme certes modéré, Marc Deluzet sur Rue89.

Contrairement à Thomas Piketty, celui-ci semble de prime abord louer les ambitions et l’objectif, entrepris par la création du RSA, de lutter contre la précarité et la pauvreté. Il conteste néanmoins le financement de la mesure qui s’effectuerait au détriment des classes populaires, avant de rejoindre l’opinion de Thomas Piketty qui affirme que la réforme du RSA ne va certainement pas encourager la recherche d’emploi. Marc Deluzet ajoute en outre que la mesure, non applicable pour les moins de 25 ans ne prend pas vraiment en compte l’état de pauvreté des jeunes, deux fois plus considérable que chez les adultes. Cependant, il considère que la mesure est susceptible d’encourager le retour vers des emplois partiels et un rejet de "l’assistanat" abusif.

Le journaliste, spécialiste des sciences sociales, se montre ainsi nettement plus positif et favorable à la poursuite des recherches pour la réforme, que certains de ses confrères, notamment Claire Guélaud, qui, dans le Monde daté du 30 août, s’interroge quant à elle à propos de la surtaxe de 1,1% qu'engendre la réforme. Surtaxe qui toucherait le capital et une large partie des ménages français afin de financer le RSA. Le problème posé étant que le projet frapperait les titulaires d’une assurance vie (soit un tiers des ménages / 12 millions de français). Ainsi, les foyers les plus aisés, bénéficiant du bouclier fiscal resteront immunisés face à la taxe, tandis que les foyers les plus modestes seront appelés à "soutenir par leur épargne la France de la précarité et de l'exclusion" selon la CGT. Mettant l’accent sur les inégalités et le fossé que creuserait encore davantage le RSA entre classes populaires et classes aisées, Claire Guélaud reste elle aussi très sceptique quant aux bienfaits d’une telle réforme

 

* À lire également :

-l'article de Thomas Piketty, Revenu de solidarité active : l'imposture, Libération, 02.09.2008
-l'article de Marc Deluzet, RSA : bon début, mais encore des efforts à faire, Rue89, 28.98.2008
-l'article de Claire Guélaud, La surtaxe de 1,1 % sur les revenus du capital pourrait toucher plus de la moitié des ménages, Le Monde, 30.08.2008