La philosophie est le plus souvent vue comme une activité théorique ardue, pratiquée par des individus s'isolant du reste du monde pour se tourner vers les sphères abstraites d'un monde intelligible qui semble parfois bien éloigné du nôtre. Sans doute cette image est-elle rapide et injustifiée, tant cette discipline conduit aussi à un retour sur soi, offrant l'opportunité d'une vie examinée, de penser la conduite de ses actions, leur visée et leur signification. La philosophie devient ainsi l'outil d'un art de vivre.

En France, cette idée a été étudiée sous divers angles, depuis la description minutieuse et érudite faite par Pierre Hadot de la philosophie antique   – et plus particulièrement du stoïcisme   – jusqu'au 101 expériences de philosophie quotidienne de Roger Pol-Droit. 

En Angleterre une nouvelle collection vient d'être créée aux éditions Acumen, intitulée "The Art of Living", qui, sur la foi de la philosophie comme guide dans l'existence, se propose de transmettre au public les ressources de sa sagesse deux fois millénaires.

Dans le Guardian, Julian Baggini, fondateur du Philosopher's magazine, revient sur cette initiative, dont il salue notamment la capacité à mêler la philosophie à d'autres domaines, y compris les plus triviaux, en la faisant prendre part à tous les aspects de la vie sans prétendre la diriger pour autant. Les neuf premiers volumes sont ainsi consacrés à des thèmes aussi disparates que la faim, le bien-être, la maladie, le sport, les animaux domestiques ou encore les vêtements.

Cependant, souligne-t-il, la série ne relève que partiellement un tel défi, dans la mesure où bon nombre de ses enseignements pourraient être tout aussi bien tirés de l'expérience vécue du quotidien. Si la philosophie peut nous aider à mieux vivre, précise-t-il, elle ne le fait que pour autant qu'elle éclaircit et précise certaines choses que l'on pressent déjà par ailleurs. Pour cette raison, il importe d'admettre que la philosophie est aussi à prendre en compte pour elle-même, comme une manière de remettre des évidences en question sans que pour autant notre vie en soit atteinte.

Une telle initiative est donc à saluer. Avec un péril cependant peut-être, celui de réduire la philosophie à être "utile", se muant en une sorte d'adjuvant au développement personnel, qu'elle renforçerait par une interrogation sur les fins que l'on s'assigne. Julian Baggini insiste sur le fait que la philosophie ne saurait être "l'unique source de sagesse" dans l'existence, mais qu'elle est "une ressource parmi d'autres qui contribue à notre compréhension de la vie bonne". Ajoutons qu'elle est aussi bien plus que cela, et, malgré tout, aussi, une forme de retrait, d'éloignement des préoccupations usuelles, et légitime en tant que telle

 

* Julian Baggini, "Everyday wisdom", The Guardian, 02.08.08