Le but de Gary Hamel ? Rien de moins qu'un renouvellement de fond en comble du management...

L’intensification de la concurrence place les entreprises face à de nombreux défis. Pour les relever, le nouveau management doit viser à rendre celles-ci adaptables, innovantes et motivantes, explique Gary Hamel.

L’auteur est un gourou en stratégie d’entreprise, et c’est le propre des gourous de proposer régulièrement d’autres solutions censées produire des miracles, ce qui ne peut que nous rendre prudent par rapport à ce type de livres. En même temps, celui-ci nous semble introduire une modification dans la manière de prendre les problèmes qu’il peut être intéressant d’évaluer.


Identifier les obstacles et montrer des exemples d’entreprises qui réussissent

L’auteur énumère tout d’abord les comportements qui font obstacle à la motivation, l’innovation et l’adaptabilité, et consacre chaque fois un chapitre à un exemple d’entreprise qui réussit particulièrement bien dans l’un ou l’autre de ces domaines.
À l’en croire, Whole Foods, une entreprise américaine de la grande distribution, a trouvé le moyen de motiver ses salariés en les responsabilisant et en les associant à une cause commune.


W. L. Gore, qui est connue dans le monde entier à travers son produit phare le Gore-Tex, est particulièrement innovante. Un résultat qu’elle obtient, selon l’auteur, en multipliant autant que faire se peut les occasions d’interaction personnelle entre ses salariés.


Google, enfin, est considéré par l’auteur comme un modèle d’adaptabilité. Cette entreprise conjugue une organisation à base d’une multitude de petites équipes indépendantes et de mécanismes destinés à favoriser la cohésion entre elles.
Ces descriptions – que l’on souhaiterait plus denses – sont sans aucun doute la partie la plus intéressante du livre.


Renouveler les principes du management

La suite est plus décevante. La critique par l’auteur des principes de l’ancien management reste très schématique. La recherche de nouveaux principes nous éloigne de la gestion, puisque l’auteur nous invite à nous tourner pour cela vers les modèles d’adaptabilité que sont, selon lui, la vie, les marchés, les démocraties, la foi religieuse et les villes les plus vivantes. Pour le reste, il préconise de chercher l’inspiration dans les entreprises qui ont mis en œuvre des pratiques novatrices, en partant de problèmes identifiés et en montrant sur des exemples trop peu développés, comment ceux-ci pourraient être surmontés. Rien de très original donc.


Rendre le pouvoir aux salariés

Ce qui frappe cependant, au-delà du simplisme dans lequel Gary Hamel nous semble parfois tomber, c’est que ces préconisations convergent toutes vers l’idée de rendre le pouvoir aux salariés. Elles le font en écartant l’objection que constituent les multiples problèmes que pose la décentralisation, en suggérant de mobiliser pour cela les méthodes d’agrégation des informations (tels les marchés prédictifs par exemple) qui ont fait leurs preuves dans d’autres domaines, en particulier dans le cadre du développement d’Internet et du Web 2.0. On pourrait ainsi y voir le début d’un nouveau cycle de démocratisation des entreprises dont il sera intéressant – sans se bercer de trop d’illusions cependant – d’évaluer les caractéristiques et de suivre l’évolution concrète dans les années qui viennent…

Mettre ces principes en œuvre

La dernière partie du livre traite – en bon livre de management – de la mise en œuvre de l’innovation managériale que l’auteur appelle de ses vœux. Le chapitre dix est à nouveau consacré à deux exemples, un peu plus développés cette fois, illustrant d’une part la manière dont IBM a réussi à redynamiser sa croissance, en consacrant plus d’attention aux opportunités émergentes et en redéfinissant les manières de les gérer. Et d’autre part, la façon dont Best Buy   a pris conscience de la capacité de ses salariés d’élaborer de meilleures prévisions de ventes que le département qui en était en charge, cela sous l’impulsion d’un habile directeur du marketing   . Les conseils de mise en œuvre qu’en tire Hamel sont toutefois de peu d’intérêt et on peut se dispenser d’en faire état ici.
 

Vers le management 2.0

Le dernier chapitre, qui peut se lire à part, fait le lien entre ces idées et le Web. Pourquoi le Web est-il si adaptable, novateur et englobant ? demande l’auteur, qui rejoint ici d’autres réflexions. Parce que tout le monde y a une voix. Les outils de créativité y sont largement distribués. Il est facile et peu coûteux d’y conduire des expériences. Les compétences y comptent plus que le CV et les titres. Si l’on s’engage, c’est sur la base du volontariat. Le pouvoir vient de la base. L’autorité est fluide et contingente à la création de valeur. Les seules hiérarchies sont naturelles. Les communautés se définissent elles-mêmes. Les individus disposent d’informations qui décuplent leurs possibilités. Pratiquement tout y est décentralisé. Les idées se concurrencent sur un pied d’égalité. Les acheteurs et les vendeurs s’y rencontrent facilement. Les opportunités attirent librement les ressources. Les décisions se prennent d’égal à égal   . Il pourrait consister ainsi en soi, explique l’auteur, même si cela nécessiterait des éclaircissements, en un nouveau modèle de management   .

Grâce aux méthodes et aux outils qui rendent désormais la décentralisation possible dans les entreprises, les énormes bénéfices que l’on peut en attendre sont à portée de main, nous dit l’auteur, que l’on aurait assez envie de suivre sur ce point, même si sa conceptualisation nous paraît laisser quelque peu à désirer. Reste à voir si sa démonstration emportera la conviction des dirigeants d’entreprises.