Après l’enfance de Sarkozy, Sarkozy et les femmes, Sarkozy et l’argent et Sarkozy et les psys, une enquête inoffensive sur notre président en vacances.
Énième opus consacré à Nicolas Sarkozy, le livre de Guillemette Faure mérite-t-il seulement d’être ouvert ? Après quinze mois de présidence et plusieurs tonnes de papiers, le stade de l’indigestion sarkozienne a été dépassé depuis longtemps déjà, et quand Sarkozy est en vacances, on ne demande qu'à l'être aussi. Pourtant, en quatrième de couverture, une question, parmi d’autres plus ou moins triviales, peut attirer l’attention du chaland : "Où sont les lignes entre vie privée et vie publique quand le président donne des interviews en jogging et arrive chez George W. Bush en retard et sans épouse ?" On le sait, les relations entre Nicolas Sarkozy et les médias sont ambigües : l’homme est un phénomène médiatique à lui tout seul, et n’hésite pas à tutoyer les journalistes… ou les faire éjecter. Et même si le titre laisse présager un contenu plutôt léger, on peut s’attendre à découvrir de nouveaux aspects de la personnalité polymorphe et agitée de "Sarkozy l’Américain", comme il aime à se définir.
Las, à peine le livre ouvert, on constate qu’il ne compte qu’une petite centaine de pages écrites en très gros caractères. On se dit alors qu’il semble difficile de se consacrer à des sujets de cette importance en si peu d’espace. Et après lecture, le résultat est que, décidément, l’objet ne pèse pas bien lourd.
En cet été 2007, le président, sa femme (Cécilia Sarkozy à l’époque, ndla), son fils, une amie et plusieurs agents de sécurité décident d’aller passer leurs vacances à Wolfeboro, New Hampshire, "petit village ordinaire avec quelques bonnes familles et une poignée de gens très riches qui aiment penser qu’ils passent leurs vacances dans un petit village ordinaire" . Sitôt la destination connue, plusieurs journalistes sont mobilisés pour couvrir l’évènement. Guillemette Faure, correspondante à New York pour Le Figaro, fait partie de l’aventure. Pourtant, après la description des lieux, dont l’exploration n’a pas dû nécessiter beaucoup de temps, c’est l’ennui qui s’installe : "Nous voilà à une petite dizaine de journalistes à Wolfeboro […] sans trop savoir quoi faire […]" . Ces derniers passent leurs journées à scruter le président en jogging, au shopping mais sans doping, et à se demander ce qu’ils font là. Alors, quand Guillemette Faure écrit carrément, à la moitié du livre, qu’ "à ce stade, les lecteurs se demandent peut-être aussi ce qu’ils font là" (sic) , on ne peut qu’être frappé par la lucidité de la journaliste, mais on s’interroge également sur les raisons qui l’ont poussée à écrire ce livre.
Bien sûr, tout n’est pas à jeter dans ces vacances ratées. On pourra sourire du quasi anonymat dans lequel le président se promène dans les rues de Wolfeboro. "La plupart des vacanciers ne savent probablement même pas qu’il est là" , et seuls les journalistes français semblent s’y intéresser. On mesurera également l’écart existant entre les pratiques journalistiques françaises et américaines : quelque chose qui réside dans la différence de définition du droit à la vie privée, mais qui tient aussi sûrement des persistances de l’héritage royaliste en France, alors qu'aux États-Unis, par exemple, une loi oblige le président à donner aux journalistes la destination de ses vacances . Chose impensable en France, où l’on pratique plutôt l’inverse. Enfin, on en retirera quelques clés sur la manière dont Nicolas Sarkozy se comporte vis-à-vis des journalistes, et de ses rapports à la notion de vie privée. En effet, les effets de brouillages privé/publique sont un axe majeur dans la communication de Sarkozy, même s’ils peuvent parfois se retourner contre leur investigateur.
Mais au final, mis à part le coût de ces vacances présidentielles (22 000 € la semaine, mais s’en étonne-t-on ?), financées "par des amis qui nous ont invités" dixit Sarkozy , il n’y a pas grand-chose à tirer de cette enquête inoffensive et largement dispensable sur notre président en short, pas même d’anecdotes pour briller dans les dîners… Et si Mes vacances ratées avec Nicolas Sarkozy n’est pas complètement raté, Guillemette Faure semblait bien être en vacances quand elle l’a écrit
Notre photo : Nicolas Sarkozy et George W. Bush au Mont Vernon le 7 novembre 2007.