Souvent associée aux "modernisateurs" du Parti travailliste, la revue Renewal s’est imposée comme l’un des principaux lieux du débat politico-intellectuel britannique au cours des années 1990. Elle opère, dans son dernier numéro, un retour un peu particulier sur les années Blair en se penchant sur la "politique de la culture" en Grande-Bretagne. On peut y voir une vraie cohérence si l’on se souvient que Tony Blair a en effet été le premier chef de gouvernement britannique à prendre au sérieux la question de la culture et de la création, en l’envisageant notamment comme un élément stratégique de l’économie de la connaissance.

On trouvera donc dans ce numéro différents articles traitant, par exemple, des évolutions rencontrées par le monde de la communication et de l’information depuis 1997 (année de l’arrivée au pouvoir des néo-travaillistes), de la configuration souvent complexe que forment arts, gouvernement et public en Grande-Bretagne, ou encore, des aléas de l’"économie culturelle". Mais la contribution la plus surprenante est peut-être celle du journaliste Stuart Kelly. Ce dernier s’interroge en effet, dans un article inégal mais stimulant, sur la mise en roman des années Blair et de leurs "héros" et, plus généralement, sur l’émergence d’une hypothétique littérature blairienne. Si les livres de Jonathan Coe sont étrangement absents de la revue de littérature ébauchée par Kelly, on peut cependant croiser dans ces quelques pages les références, entre autres, à L’Information de Martin Amis (Gallimard, 1996) ou à The Ghost de Robert Harris, ce roman à clef ayant pour personnage principal l’écrivain fantôme d’un ancien premier ministre en passe d’être jugé pour crimes de guerre… Kelly suggère enfin un parallèle assez surprenant entre la décennie des gouvernements Blair et la saga Harry Potter. Rappelant que le premier volume a été publié en juin 1997 (un mois après la victoire de Blair et de ses troupes) et le dernier en juillet 2007 (quelques semaines après la démission du leader travailliste), le journaliste établit un rapide jeu de miroirs entre l’affrontement opposant le jeune sorcier et le terrible Voldermort et la longue domination des conservateurs par le "moderne" Tony Blair.