On connaît le goût de George W. Bush pour la lecture. Des sources de la Maison Blanche indiquent même qu’entré dans une véritable compétition contre son conseiller politique Karl Rove, qui a démissionné depuis quelques semaines, le président américain lisait jusqu’à plusieurs livres par semaines. Il en a désormais un de plus à accrocher à son tableau de chasse, et non des moindres, puisqu’il s’agit de l’œuvre de sa propre fille.

Le rôle de Jenna Bush, 25 ans, a longtemps été celui d’une duettiste ; avec sa sœur Barbara, autre First Twin (première jumelle), elle a fait figure d’"enfant terrible de l’Amérique", selon la formule consacrée. Aujourd’hui, elle est plus sage, diplômée, fiancée, et dit ne pas vouloir se marier à la Maison Blanche (les mauvaises langues, dont Connan O’Brien du Late Night Show, remarquent avec ironie qu’elle n’aura de toutes façons pas le choix). Son nouveau rôle : écrivain modèle. Propulsée par une vague médiatique déferlant sur toute l’Amérique, Ms. Jenna nous offre une prose simple pour conter une histoire compliquée. Ana’s Story (L’histoire d’Ana) fait le portrait d’une jeune panaméenne atteinte par le virus du SIDA, que la fille du président a rencontrée lors d’une mission pour l’UNICEF. On retient surtout que cette exposition médiatique est une première pour celle qui, avec sa sœur, a toujours pu jouir d’une vie relativement protégée des journaux et des télévisions, mis à part pour quelques erreurs de jeunesse apparemment alcoolisées. Cette soudaine apparition étonne pourtant peu : Jenna a certainement quelque chose à prouver. En parlant de son amie du Sud, elle veut aussi montrer qu’elle existe, qu’elle est un écrivain capable et une enseignante accomplie.

Toutes choses qui ne sont pas dans les préoccupations de Steven Colbert. L’hilarant animateur du Colbert Report et auteur d’un discours ultra-décapant devant le président Bush en 2006 se fend d’un livre où il reprend ses thèmes favoris et l’univers qu’il a créé, parodiant à souhait les journalistes républicains, Bill O’Reilly en tête. Toujours au quatrième degré, Colbert a cependant tendance à s’enfermer dans son personnage, et de sa mégalomanie extrême (une de ses marques de fabrique) on finit par ne plus bien savoir si elle est feinte ou réelle. On entend ici et là que Colbert est un Tom Lehrer contemporain, mais l’auteur du génialissime National Brotherhood Week semblait moins se prendre au sérieux, et avait surtout un petit supplément d’âme par rapport au glacial Colbert, qui reste toutefois très drôle. La présence qu’il offre tous les soirs à l’écran peut-elle se traduire sur papier - de préférence glacé et avec son portrait placardé sur presque toutes les pages ? C’est peu probable. D’ailleurs, les lecteurs francophones ne le sauront certainement jamais, vu que la popularité du frigide Steven est plus que réduite dans l’hexagone – pour l’instant. Avec l’arrivé de son ancien patron – et mentor – Jon Stewart sur Canal + depuis quelques semaines, on peut espérer voir Monsieur Colbert sur nos ondes dans quelques années. Et il faut le souhaiter, car sa critique est grinçante et les rires qu’il fait naître bien plus sincères que sur de nombreux plateaux français. En attendant, les plus motivés peuvent se procurer I am America (And So Can You !). En version originale.

Pour compléter ce tour des publications qui, à côté des mémoires d’Alan Greenspan et d’Arthur Schlesinger, plus élitistes, font parler d’elles aux Etats-Unis, il faut s’arrêter une minute sur If I did it : The Confessions of a Killer (Si je l’avais fait : Confessions d’un tueur), le livre d’O. J. Simpson, paru le mois dernier. Dans cette fiction morbide, l’ex-star du football raconte comment il aurait tué sa femme et son ami, si, contrairement a ce qu’a décidé la justice pénale américaine en l’acquittant   , il les avait effectivement assassinés. C’est bien plus que le livre d’une ancienne gloire du sport qui nous intéresse ici : il s’agit du témoignage de l’acteur central d’un des feuilletons judiciaires les plus passionnants qu’ait connu l’Amérique des années 1990. Ce procès, qui s’est conclu par la relaxe de Simpson, avait déchaîné bien des passions et des débats, notamment sur la question ethnique et sur celle du star-system américain. Notons que les recettes du livre iront à la famille de l’ami de la femme d’O. J., puisqu’un procès, civil cette fois   , a fini par établir la culpabilité de l’ex-star de la NHL et qu’il ne peut rien payer.
    La parution du livre était prévue pour 2006, avant d’être annulée. Après des fuites sur Internet, elle se fait aujourd’hui, la famille de l’amant défunt ayant pris soin d’ajouter au titre original (Si je l’avais fait) la précision que notre auteur, aussi célèbre qu’il soit, est bien un meurtrier. Etonnant modèle et repoussoir que cet O. J. Simpson.