Les coalitions du monde germanophone se seront prêtées, pour les débuts juillet 2008, au jeu du "stop ou encore". Du côté autrichien, la fragile union ÖVP-SPÖ se couche, après dix-huit mois d’existence, sur le lapidaire "Ça suffit !" de Wilhelm Molterer, vice-chancelier et chef du parti conservateur ÖVP. La Grande Coalition version allemande, elle, choisit, plutôt que la fermeté de ton, la fermeté de direction. Choisit ? Poursuit traduit bien plus justement la cohérence d’action menée depuis dix ans par le duo CDU-SPD.

Mercredi 2 juillet, le gouvernement allemand adoptait son dernier projet de loi sur le budget fédéral avant les élections législatives de 2009. Mercredi 2 juillet, le gouvernement allemand renouvelait sa confiance en un maître mot : la rigueur. L’occasion pour Le Monde de revenir, le temps d’un édito (en date du 5 juillet), sur la réussite d’un modèle allemand efficace.

La rigueur est née de la réunification et de l’euro. Tel pourrait être le résumé généalogique – très schématique – de la naissance d’une politique stricte, défendue tout autant par les gouvernements Schröder que Merkel. La fin des deux Allemagne a fortement déséquilibré les comptes publics, l’apparition de la monnaie unique européenne a rimé avec déstabilisation de la compétitivité économique allemande, selon l’analyse du Monde. Outre-Rhin, la solution – un processus de long terme – s’est dessinée dans un vieil adage : "Traiter le mal par le mal". Dans ses formes concrètes, l’issue de secours a donc pris un double visage : réduction des rémunérations et délocalisation, laquelle devait permettre de faire baisser les coûts de production. Ces recours sévères ont porté leurs fruits : aujourd’hui, l’Allemagne a regagné sa position de premier pays exportateur au monde (en dépit d’un euro fort), la croissance allemande est relancée et le déficit public global a retrouvé l’équilibre en 2007. Devant ce succès, le Conseil des Ministres a décidé de valider, la semaine passée, le nouveau projet de budget, attaché à poursuivre les mêmes buts, toujours les mêmes buts : continuer le travail de réforme et lutter contre l’endettement. Un objectif de taille pour 2011 : un déficit public nul.

Si, sur le papier, sur écran ou sur les ondes, tous saluent l’efficacité de la politique de rigueur choisie courageusement par l’Allemagne, quelques reproches et bémols se manifestent des deux côtés du Rhin. Le bien-fondé des critiques n’est cependant pas toujours évident. Ainsi, quelques personnalités politiques françaises regrettent que les décisions allemandes – susceptibles d’influencer la croissance européenne, compte tenu du poids économique du membre Allemagne – n’aient pas été soumises à l’avis d’un autre membre de taille, la France. Celle qui fut récemment mise en cause par la Cour des Comptes, suite à un laxisme budgétaire pour le moins gênant, peut-elle réellement prétendre au rôle de conseiller économique des puissances voisines ? La question semble appeler un "non".

Dans les partis d’opposition allemands, on donne volontiers un mauvais point au ministre des Finances, Peer Steinbrück, pour n’avoir pas conduit un assainissement des finances publiques suffisamment rapide, alors que, depuis fin 2006, la conjoncture économique y était largement propice. La critique des experts en économie, elle, regarde vers le futur : la croissance pourrait ralentir en 2009 - 2010, l’objectif "déficit public zéro" pour 2011 pourrait alors se transformer en coup manqué. Les résultats du pari "rigueur" restent à suivre


Édito du 5 juillet 2008, Le Monde : "Le bon modèle allemand"