C’est désormais chose faite : le sénateur-maire de Lyon, Gérard Collomb, a conclu la semaine dernière un accord liant la bibliothèque municipale (BM) avec Google. La deuxième bibliothèque la plus importante de France (avec 1 350 000 œuvres) va rendre accessible en ligne le nombre de 500 000 documents via le moteur de recherche américain.

La BM de Lyon intègre un groupe de 28 institutions déjà engagées dans le projet, dont l’université d’Oxford, l’université Columbia, la bibliothèque universitaire de Lausanne ou encore le CIC (Committee on Institutional Cooperation   ).


Pour les opposants au projet, un mal pour un bien ?

Point important, ce partenariat semble révéler un changement de stratégie de Google à propos du sujet sensible des droits d’auteurs. Jusqu’à présent, Google opérait selon le dicton "qui ne dit mot consent", comme le synthétise très justement Pierre Assouline : l’ensemble des livres mis à disposition par les bibliothèques était numérisé, droit d’auteur ou non, et il revenait à l’éditeur ou au détenteur des droits d’auteur de faire la démarche pour empêcher la numérisation de son œuvre. Dans le cas de l’accord signé à Lyon, Google ne numérisera que les œuvres tombées dans le domaine public, et vraisemblablement sélectionnées par la bibliothèque elle-même. Un revirement dont se félicitent les opposants au projet et qui vient estomper l’image de cannibale immoral que se traîne la firme depuis quelques années.


Mais d’autres questions restent sans réponse. En effet, d’aucuns pointent la faible qualité de numérisations réalisées sur certaines œuvres, notamment les plus anciennes. Les techniques de reconnaissance optique des caractères (OCR) ne sont apparemment pas encore tout à fait au point. D’autre part, les craintes suscitées par "Google Recherche de Livres" ne sont pas toutes effacées par le principal argument avancé par les stratèges de Californie : rendre accessible à tous l’ensemble du patrimoine de l’humanité, et gratuitement. Passé outre l’hypocrisie pointant derrière cette apparente générosité, beaucoup se demandent en effet si cette gratuité sera toujours de mise une fois que Google aura achevé son pharaonique dessein. 


"Google Recherche de Livre" contre "Europeana"

L’ambitieux projet lancé en 2004 par Sergey Brin et Larry Page   initialement intitulé "Google Print", puis rebaptisé en 2005 "Google Recherche de Livre" prévoit de numériser en 6 ans une quinzaine de millions d’œuvres littéraires. L’objectif originel est de "faire en sorte que les gens puissent effectuer des recherches très précises, en parcourant les livres du monde entier" ; et, partant de là, de rendre accessible en ligne les ouvrages libres de droits ou après accord avec l’éditeur. Son annonce avait provoqué moult polémiques en Europe, où les inquiétudes liées à ce chantier avaient engendré des sentiments franchement hostiles et parfois teintés d’un certain antiaméricanisme latent. La Bibliothèque nationale de France teste actuellement la deuxième version de son versant numérique, Gallica, et numérise au rythme annuel de 100 000 documents. L’Union européenne, quant à elle, construit une ligne Maginot numérique pour contrer les assauts du groupe : Europeana, la bibliothèque numérique européenne dont le prototype sera lancé en novembre. Mais le projet tarde pourtant à voir le jour. C’est ce qu’a argué Gérard Collomb pour justifier le choix d’une entreprise privée : "Si nous avions attendu une impulsion publique pour numériser Lyon, dans 20 ans, nous serions encore à attendre." Europeana, interface multilingue, proposera deux millions d’œuvres diverses extrait de "l’héritage culturel européen" : des livres bien sûr, mais également des films, des tableaux, des sons, etc. Sa finalisation est prévue pour 2010 – tout comme le projet de son concurrent américain



* À lire également sur nonfiction.fr, la brève écrite par François Quinton à l'occasion de la numérisation du catalogue de la bibliothèque de l'université du Michigan.