Le bouleversement numérique auquel vont devoir faire face les acteurs de l’industrie du livre a beau être annoncé depuis plusieurs années, ces derniers tardent à réagir. Seuls les auteurs ont, pour l’instant, réussi à tirer leur épingle du jeu, par le biais de blogs ou de sites d’auteurs, leur permettant d’être au plus proche de leur public. Or, comme le dit fort justement Pierre Assouline, "au cas où l’on en douterait encore, la dématérialisation du livre n’est pas pour demain mais pour aujourd’hui."


Le rapport Accueillir le numérique ? Une mutation pour la librairie et le commerce du livre tente d’apporter des réponses concrètes aux doutes émis par les libraires, menacés par l’arrivée sur le secteur du livre d’acteurs extérieurs, tels que les opérateurs téléphoniques ou les fournisseurs d’accès à Internet. Rédigé par une commission "numérique" réunissant l’Association des Librairies informatisées et utilisatrices de Réseaux électroniques (ALIRE) et le Syndicat de la Librairie française, l’objet se veut fédérateur et pratique.


Par ce rapport, les libraires ont en effet pour ambition d’amorcer une profonde coopération interprofessionnelle coalisant l’ensemble des acteurs de l’industrie du livre, des auteurs aux libraires en passant par les éditeurs, les diffuseurs et les distributeurs, tout en étant conscients que cela ne se fera pas sans heurts. Cette collaboration se traduirait d’abord par la définition d’un statut juridique du livre numérique, enjeu qui semble concentrer toute la peur de l’inconnu exprimée par le secteur, et se poursuivrait par l’adoption de normes techniques et commerciales communes puis par la création d’un comité professionnel expert dans les questions du numérique, associant de manière paritaire les différents maillons de la chaîne. Plus que d’unir les professions du livre, le document peut se voir comme une sorte de manuel pratique à l’égard des libraires afin "de passer le cap des craintes ou de l’incertitude concernant le sujet" et de ne pas commettre "l’erreur fatale" de "sous-estimer cette menace réelle." Un guide de survie donc, qui propose des pistes évidentes, comme le développement de la promotion du livre sur le web, et d’autres un peu plus audacieuses, comme la mise en place d’une base numérique de données destinée à devenir "la base unique du livre (imprimé et numérique)."


Transformer une menace en opportunité : telle est bien l’ambition réelle de ce rapport, destiné à l’ensemble d’un secteur en profonde mutation, qui se met enfin à y réfléchir. Un autre rapport sur le livre numérique, réalisé sous la direction Bruno Patino   à la demande de la ministre de la Culture et de la Communication Christine Albanel, vient d’ailleurs d’être rendu public aujourd’hui.