« Je suis l’esprit qui toujours nie… » Faust, Marguerite et Méphistophélès : trois âmes perdues dans les flammes du désir et de la damnation.
Au mois de novembre, le Théâtre des Champs-Élysées propose La Damnation de Faust de Berlioz.
Une œuvre inclassable, entre concert et théâtre
Ni opéra ni oratorio, La Damnation de Faust échappe à toutes les classifications. Berlioz a conçu l’œuvre comme un « drame lyrique » à écouter plus qu’à voir, un vaste poème musical où se succèdent visions, élans lyriques et cavalcades infernales. Cependant, sa puissance dramatique, son imagination sonore et sa richesse orchestrale appellent irrésistiblement la scène. Or, mettre en scène La Damnation de Faust, c’est affronter un paradoxe : donner corps à une œuvre conçue pour l’esprit, transformer l’abstraction en incarnation. C’est ce défi qu’a dû relever la metteuse en scène Silvia Costa, artiste au langage visuel singulier, poétique et chargé de symboles. Son univers, à la croisée du théâtre et des arts plastiques, fait dialoguer la lumière, les corps et la musique. Elle entraîne le spectateur dans les paysages intérieurs de Faust — ses tentations, ses mirages, sa chute — pour une plongée à la fois cérébrale et sensorielle, entre rêve et cauchemar. Silvia Costa n’illustre pas ; elle révèle les abîmes du personnage de Faust, ses vertiges, ses contradictions. Par le jeu des ombres, des reflets, des espaces mentaux, elle ouvre un territoire imaginaire où le spectateur est convié à se perdre.
Un voyage musical et spirituel
Sous la direction de Jakob Lehmann, l’orchestre Les Siècles fait revivre la modernité étincelante de Berlioz, servie par des instruments d’époque et une précision stylistique exemplaire. Le Chœur et la Maîtrise de Radio France, préparés par Lionel Sow et Marie-Noëlle Maerten, amplifient la ferveur et la dimension collective de cette fresque romantique : foule des étudiants ivres, prières de Marguerite, danses frénétiques des démons. Quant au plateau vocal, il réunit des interprètes d’exception. Benjamin Bernheim, l’un des plus grands ténors français actuels, incarne un Docteur Faust tourmenté et fragile — figure du désir infini et de la quête impossible. Viktoria Karkacheva prête à Marguerite sa voix sombre et émouvante, entre pureté et résignation. Christian Van Horn campe un Méphistophélès d’une séduction troublante, tout en ironie et en élégance diabolique. Thomas Dolié complète la distribution avec un Brander jovial, le compagnon de taverne de Faust, dont la chanson grotesque annonce déjà la damnation.
Théâtre des Champs-Élysées
3, 6, 12 novembre 2025 à 19h30
15 novembre 2025 à 18h00