Comment le web révolutionne le marketing.

Depuis quelques années, avec le retour en vogue des Converse dans les cours des lycées, un nouveau phénomène s’est développé sur la Toile : sur une multitude de blogs ouverts sur la plateforme Skyblog, les ados postent les photos de leurs Converse personnalisées, et les comparent ainsi entre eux… Un joli coup de pub – et de buzz – pour la marque de tennis, qui n’en demandait pas tant.

Ce n’est là que l’un des nombreux exemples sur la manière dont le Web 2.0 - cet Internet participatif par lequel l‘internaute est devenu créateur de contenus - bouleverse le marketing et que traite donc François Laurent, consultant et co-président de l’Adetem (premier réseau associatif des professionnels du marketing), qui a fait ses armes chez Havas, Publicis et Thomson Multimédia, et déjà auteur de Marketing is dead.

Mais il serait trop simple de réduire la problématique à marketing 2.0 = marketing du web 2.0. Pour François Laurent, il y a eu deux révolutions : celle du web 1 où les consommateurs se sont emparés des moteurs de recherches et des comparateurs de prix pour reprendre le pouvoir vis-à-vis des marques, et celle du web 2, où les consommateurs peuvent parler entre eux.

Dans son ouvrage, il distingue ainsi le marketing traditionnel, qui a vécu de 1930 à 2000, et le marketing de la "civilisation 2", où les individus retrouvent progressivement le goût du dialogue entre eux, et autour des / avec les marques. Pour ce nouveau marketing "en gestation", il faut "sortir du bourbier dit du marketing de la demande où l’on dissèque à l’infini d’improbables consommateurs", lesquels ont leur mot à dire dans les processus innovateurs, martèle François Laurent dès son introduction.

Il dresse donc son diagnostic du "marketing en crise", dans une ère où le consommateur-zappeur - comme Sonia, qui raconte sur son blog pourquoi elle préfère "les gâteaux Degloufflu aux BN", est capable "d’acheter le même jour la confiture la moins chère chez Franprix puis de la marmelade chez Hédiard". Et de constater les contradictions des "marketeux", mais aussi la remise en cause des marques, dans la lignée du No logo de Naomi Klein ou du mouvement pour une rentrée sans marques. Il montre aussi comment le Web 2.0 a accéléré le phénomène, les consommateurs-clients n’hésitant plus à expliquer dans les détails, sur leur blog, pourquoi tel ou tel produit ne fonctionne pas bien. Même s’il est d’une marque de référence. Bref, "se développe totalement indépendamment des produits et des marques tout un discours (sur celles-ci) qui leur échappe totalement".

Alors que le marketing a longtemps été tiré par l’innovation, les innovations de rupture apportant un plus évident dans le quotidien des consommateurs, désormais, selon la société XTC, un nouveau produit sur deux échoue dans les deux ans suivant sa mise sur le marché. Rien de moins.

Bref, il y a un "bug dans l’innovation", à tel point que le fameux classement "produit de l’année", qui labellise les produits censés être des best-sellers en puissance, serait en soi une vaste arnaque. Et le consommateur ne sera pas forcément intéressé par telle ou telle innovation. Ou du moins il prendra son temps pour l’adopter, notamment en high-tech, comme l’a montré le crash du WAP et le succès très mitigé de Windows Vista, constate François Laurent.

Avec le Web 2.0, les marques ont perdu le monopole du discours. Elles doivent donc s’adapter et passer d’un marketing de la demande à un marketing de l’offre. Pour cela, François Laurent cite l’exemple très significatif des AMAP, ces "Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne", au modèle assez inédit, où le consommateur paie d’avance la récolte de la saison.  Résultat, "le producteur n’adapte pas son mode de production à la clientèle, mais perpétue un système ancestral". Une manière de viser "une cible niche mais passionnée".

Autre best practice potentielle, celle du marketing collaboratif, où le consommateur participe lui-même à la création du produit. Comme le site de T-shirts La Fraise, où les créateurs et consommateurs participent d’une même communauté, puisque les internautes-membres votent pour les motifs de T-shirts qu’ils préfèrent, proposés par d’autres internautes.

Si l’ouvrage est parfois difficile à suivre, avec une construction un peu confuse où s’entrechoquent les exemples que l’auteur a récoltés sur la Toile, dans des forums de discussion et des blogs, il constitue néanmoins un bon guide pour les consommateurs et bien sûr pour les entreprises déboussolées par le web 2.0. Autre atout, les nombreuses interviews de pointures du marketing et de l’industrie, dont Alain Montembault, qui orchestre chez Danone des réunions avec des consommateurs, Anne Thévenet-Abitbol, qui mène chez Danone la stratégie de la marque bio Les 2 Vaches, ou encore Claude Le Minor, directeur marketing de PSA Peugeot Citroën